DEUXIEME PARTIE: QUESTIONS DE SCIENCES

- LA PENSEE RELIGIEUSE ET LA PHILOSOPHIE RATIONALISEE

- PHILOSOPHER , OBLIGATION LEGALE

- CONCEPTION INTELLIGENTE DES NORMES CORANIQUES

- UN MUSULMAN EST-IL FORCEMENT UN CROYANT ?

- L'AMOUR DE DIEU POUR TOUTE SACREATURE

- LE DEPOT SACRE

- CAUSALITE ET DESTIN

- NABIY ET RASSOUL

- INCARNATION DE LA DIVINITE ET SON HERESIE

- LOCALISATION OU UNICITE FONCIERE ?

- CONNAISSANCES SECRETES

- LE SENS CACHE

- THEOPHANIE ET EPIPHANIE

- ROLE DES PROPHETES ET APOTRES DANS l 'INITIATION D'UN CROYANT MUSULMAN

- INTERCESSION ET CULTE DES SAINTS

- IMMUNITE APOSTOLIQUE

- LES ANGES ET LA TENTATION DEMONIAQUE

- NATURE SATANIQUE

- ADAM ET MOHAMMED : PREEMINENCE OU PREEXISTENCE ?

- MI'RAJ DU PROPHETE

- LA NUIT DU DESTIN

- POURQUOI UN CORAN EN LANGUE ARABE ?

- EMIGRATION EN TERRE DE MECREANCE

- PECHE ORIGINEL

- REINCARNATION

- QU'EST CE QUE " LA MOUBAHALA " ?

- LE VOYAGE DES AMES

- L'ENFER EST-IL ETERNEL ?

- RETRIBUTION DE L'INCROYANT

- LE BARZAKH

- GOG ET MAGOG ET L'ANTECHRIST

- DU MAHDI

- LA FIN DES TEMPS

- L'ETHIQUE LEGALE ET LA VOIE


LA PENSEE RELIGIEUSE ET LA PHILOSOPHIE RATIONALISEE

Q : Nous avons constaté, depuis l'Antiquité, une certaine théologie rationalisée, chez les philosophes. Quelle serait son origine ?

R : La raison est apte à saisir certaines notions afférentes à l'au-delà. L'entendement, comportant un élément subtil divin – comme l'atteste Ghazzali – , est le catalyseur de la pensée dont la portée touche les sphères les plus sublimes. Le grand soufi, Sidi Ahmed Tijani, a défini, dans Jawahir el Maâni, le potentiel psycho-spirituel de ce qu'il appelle " en-nafs el Koulliah " (Ame globale). Avicenne souligne bien que " l'intellect du Prophète ou du Saint ou même simplement du croyant qui prie, se trouve en union avec les anges; l'illumination se déverse sur l'intelligence du sujet récepteur ou sur son imagination ". On s'est demandé, à juste titre, si certains grands philosophes qui semblent avoir atteint ce stade de transcendance psycho-spirituelle, ne seraient pas des prophètes ou adeptes de prophètes ?

Zoroastre (VIIIème ou VIIème siècle Av. JC) fut un réformateur de la religion iranienne dont le livre sacré est l'Avesta. L'enseignement qu'il propagea repose sur une théologie dualiste: Ahura-Mazdà, le Dieu du Bien s'oppose à Atriman, le Dieu du Mal. L'homme, par sa pureté et son comportement sublime, doit contribuer au renforcement du Bien , pour diminuer ou anéantir les forces du Mal. Nietzsche en a fait le symbole du surhomme.

La déviance de ses adeptes, les mages, a incité le peuple à adorer les étoiles; mais, cette astrolâtrie n'empêcha guère L'Islam de les considérer comme " dhimmis ", parmi les "Gens du Livre ".

Confucius (551-479 av. JC) est le promoteur d'une doctrine qui instaure la morale sociale axée sur l'humanisme ou la vertu humaine, l'équité et le respect des rites cultuels. Son recueil (Les Entretiens) est un code socio-cultuel dont le sublime potentiel dénote l'influence d'un Prophète ou Adepte inspiré. Rien n'empêche qu'il fût lui-même un Prophète, parmi les cent vingt quatre mille, cités par les hadiths.

Pythagore (VIème siècle av.JC), philosophe et mathématicien grec, initia ses disciples aux "grands mystères", à l'harmonie arithmétique du monde. Son orphisme, doctrine théologique, développée en Grèce du VIIème au IVème siècle av.JC, prôna l'immortalité de l'âme et le cycle des réincarnations, une vie ascétique, recherchant la purification de l'âme et du corps.

Socrate (399 av. JC), philosophe grec prônait, lui aussi, l'immortalité de l'âme, comme le rapporte le Phédon de Platon, la maïeutique (art d'accoucher les esprits), une meilleure connaissance de soi " connais-toi toi-même " , la devise de Socrate où la science se confond avec la vertu, considérée comme la science du bien.

Conscient, donc, de l'existence d'une force latente, dans le for intérieur de l'Homme, quel qu'il soit, Socrate en tire une dialectique (appelée maïeutique), pour amener ses interlocteurs à découvrir les vérités qu'ils portaient en eux, sans le savoir.

Platon (428-347 av. JC), philosophe grec également, est le disciple de Socrate qui fonda à Athènes, dans les jardins d'Acadèmos, une école d'enseignement ésotérique où il élabora ses dialogues sur des recherches morales, selon la méthode socratique. Il aborda le Monde des Idées, formes intelligibles, éternelles et parfaites, archétypes des choses sensibles, dont la plus élevée est celle du Bien, dont la connaissance suprême procure une vision: la dialectique, où la finalité est le règne de l'harmonie et du divin et, où l'homme doit se rendre semblable à l'Etre absolu.

Plotin (270 av. JC), d'origine grecque, est le fondateur du néo-platonisme. Sa "doctrine de l'être" décrit les dégradations de l'âme insufflée au corps (après être, Esprit), à "partir de l'intelligence universelle" (qui s'identifierait, peut-être, à l'âme globale suscitée); c'est une doctrine du salut qui nous enseigne la démarche par laquelle notre âme peut retrouver l'Unité originelle et se fondre en elle. Plotin fait, sans doute, allusion, dans cette optique théologico-philosophique, à "la descente de l'Esprit dans le corps, telle une colombe ", comme l'a bien dépeint le platonicien Avicenne (Ibn Sîna), dans un poème célèbre. Dans ce processus transcendant de l'âme, l'hindouisme retrace ce trajet de l'Esprit, vers son sublime couronnement, dans ce que la tradition brahmanique appelle "force serpentine".

Avicenne (Ibn Sîna) (980-1037 ap. JC) est un philosophe iranien, grâce auquel et à son homologue Averroès, les scolastiques d'Occident connurent Aristote et la pensée grecque.

Thomas d'Aquin (1225-1274 ap. JC), philosophe italien, élabora, plus tard, sa Somme théologique, pour démontrer que seul Dieu existe par Lui-même, réalité mise en avant, par une suite d'arguments rationnels qui tendent à prouver que Dieu est Premier Etre et Cause finale ; Il est l'Ordonnateur Souverain du Monde, rien ne peut s'expliquer sans Lui, l'Amour étant, en l'occurrence, la première condition du culte. Le Thomisme, doctrine philosophique, devint la synthèse théologique qui tend, comme le fit Averroès, à concilier l'essentiel de la pensée d'Aristote avec les dogmes révélés.

La Métaphysique et l'Ethique d'Aristote étaient les livres de chevet d'Avicenne. Il raconta lui-même avoir consacré, vainement, plus d'un mois, pour en déchiffrer les secrets. "Après s'être recueilli – dit-il – à la mosquée, le quarantième jour, à la suite de la prière du Fajr (l'aube), le mystère finit par se clarifier et l'énigme par s'éclaircir".


PHILOSOPHER, OBLIGATION LEGALE

Q : Averroès, dans son discours décisif (Fasl al maqâl), veut prouver que l'interprétation philosophique du Coran, comme l'activité philosophique, sont légalement obligatoires, pour ceux qui sont aptes à s'y adonner. Le verset 7 de la sourate III ne nous éclaire-t-il pas sur ce point ?

R : " C'est Lui – dit le Coran – qui fit descendre sur toi le Livre dont certains versets sont bien explicites, ce sont l'Ecriture Mère, et d'autres prêtent à confusion ... ; or, ne sait son interprétation que Dieu, et les gens bien enracinés, dans la science disent: nous y avons cru; tout vient de notre Seigneur " (sourate 3, verset 7) ; toute interprétation du Coran, qu'elle soit d'ordre philosophique, poétique ou mystique, ne saurait être admise, si elle allait à l'encontre du sens explicite d'autres versets ; car – dit un hadith – " le Coran comporte sa propre exégèse ". Donc, les divers versets s'expliquent les uns les autres, même s'ils sont apparemment équivoques ; mais, il faut que l'exégète soit bien à la hauteur, connaissant tous les atouts "islamiquement" scientifiques, qui doivent se corroborer. Cela est, aussi vrai, pour les hadiths, dont certains termes confus ou ambigus sont énoncés, formellement, dans d'autres. Les traditionnistes citent le cas du mot "doukh" interprété, dans d'autres traditions, par " doukhkhân " (fumée). La condition, sine qua non, d'une interprétation légitime, ne doit pas remettre en cause , les normes essentielles du credo de l'Islam. Ibn Roshd, fqih chevronné, et, en même temps, philosophe autorisé, étant le premier commentateur d'Aristote, est infiniment apte à saisir cette connexion nécessaire et indispensable, entre la pensée discursive et celle du Coran. Cela est d'autant plus vrai que le secret des religions révélées réside dans la culture des sciences, considérées bien comme telles, la préférence donnée aux options humaines, la prise en considération du prolongement de l'homme dans sa destinée transcendante et l'équilibre, sciemment maintenu dans le cosmos, entre la raison et l'intuition, l'esprit et la matière. Là, la philosophie islamique partage, en général, ce point de vue. Pour Avicenne, entre autres philosophes, les connaissances rationnelles, prises comme critères d'interprétation, sont sur un même plan, avec la connaissance introspective de la foi, transmise par révélation. Il ne saurait y avoir contradiction entre ces connaissances. Ibn Sina est, ainsi, sûr de ces conclusions philosophiques, et tout désaccord ou incompatibilité avec le dogme religieux, n'est qu'une apparence qu'il conviendra de dissiper.


CONCEPTION INTELLIGENTE DES NORMES CORANIQUES

Q : La sourate III parle des versets fondamentaux et d'autres qui constituent des développements et sur lesquels des malveillants se basent, pour créer le désordre et satisfaire leur goût de discussions, mais seuls les vrais savants, gens sensés, tirent parti des enseignements révélés dans ces versets. Ainsi, n'est-ce pas une invite à user de notre raison, de notre intelligence, afin de mieux interpréter la lettre du Coran, et par là-même d'en apprécier, l'Esprit, seul à même de revivifier le cœur ?

R : Dans son livre Mon petit catéchisme , Jean Guiton souligne bien, concernant la Bible et les Evangiles, que " Dieu n'a pas écrit, mais Il a fait écrire ces Livres, en soufflant aux Apôtres et aux Prophètes ce qu'Il voulait nous faire savoir. On appelle ce souffle l'inspiration. Les Livres écrits par les Prophètes sont appelés, Livres inspirés ". Quant à Maurice Bucaille, il dit : " Dans l'Ancien Testament, comme dans les Evangiles, figurent, à côté des sujets d'inspiration divine, des affirmations qui sont la traduction de certaines croyances profanes véhiculées par des traditions , tels les deux récits de la Création que nous offre la Genèse ". Parlant du Coran, Bucaille ajoute : " Il contient la Parole de Dieu, à l'exclusion de tout apport humain, la possession de manuscrits du premier siècle de l'ère islamique authentifie le texte actuel ".

D'autre part, une différence fondamentale existe entre le Christianisme et l'Islam, à savoir l'absence, pour le premier d'un texte révélé et fixé, alors que le Coran répond à cette définition.

Mais, comment interpréter le Coran révélé ? Est-ce une mission à la portée de tout le monde ?. Le Coran exige des interprètes qu'ils soient de vrais savants. Le Prophète s'est ingénié à interpréter lui-même certains versets ambigus. C'est ce qu'on appelle "et-Tafsîr bilmaâthour", auquel Boukhari a réservé 250 pages , dans son Recueil. Le Messager d'Allah a bien affirmé : "Dieu m'a révélé le Coran et, avec lui, un apport similaire". C'est la source de toute interprétation adéquate que le Prophète avait inculquée, de son vivant, à son compagnon Abdellah Ibn 'Abbâs, qualifié d'interprète du Coran. Notre Apôtre Sidna Mohammed, conscient de l'impact de cette mission périlleuse, consultait parfois l'Ange Gabriel sur les significations de certains versets, et le sens réel qu'on doit attribuer à telle ou telle chose, pour mettre fin à tout désaccord.

A propos du Verbe de Dieu, les textes coraniques se complètent et se corroborent ; toute mésentente est exclue, car toute interprétation appropriée, nécessite l'esquisse d'un parallélisme adéquat qui ne dévie point ni des normes de la " chariya ", ni d'une conception intelligente des choses. Le Coran lui-même ne cesse de nous inviter à "méditer, réfléchir et raisonner".

D'aucuns peuvent penser que l'attitude incitée par la vertu coranique qui proclame, entre autres, le principe de la tolérance et de la non-violence, risque de dégénérer en fatalisme. Mais , les prescriptions normatives de l'Islam se soutiennent pour s'expliquer les unes les autres. Dans un tel cas si spécifique, la confiance en la Justice immanente divine favorise la vertu de patience et d'endurance et crée, dans le for intérieur du croyant, la quiétude et la paix. C'est notre propre cœur, qui est le véritable Jurisconsulte. "Consulte - ta conscience – dit le Prophète – même si des juristes te disent le contraire". Mais, ce moyen de juger et d'interpréter, est le propre de ceux que Dieu dote d'une pureté pieuse effective, définie par le verset coranique, dépeignant la connaissance infuse par Allah dans le cœur de ceux qui le craignent. C'est l'inspiration par laquelle Dieu projette les reflets de Sa lumière qui illumine le Monde.

L'élu, ainsi inspiré, atteint les secrets de l'herméneutique. " Ce n'est nullement le fait d'un être humain que Dieu lui adresse la parole, si ce n'est par inspiration ou derrière un écran ou qu'il envoie un Messager (l'Archange Gabriel), pour qu'Il lui inspire avec Sa permission ce qu'Il veut.". (Sourate 42, verset 51).


UN MUSULMAN EST- IL FORCEMENT UN CROYANT ?

Q : Quelle est la différence entre croyants " Muminin " et musulmans " Muslimin "?

R : Un " muslim " n'est pas forcément "mumin". Les Bédouins ont dit – selon le Coran – : " Nous nous sommes (apparemment) soumis à Dieu " , dis-leur : " La foi n'est jamais entrée dans vos coeurs, jusqu'à ce jour". (Sourate 49, verset 14).

L'Islam est, certes, une simple formulation de l'article du dogme, c'est à dire une profession de foi, attestant l'Unicité d'Allah, la Prophétie de Sidna Mohammed , la réalité des Anges, des Messagers de Dieu et de ses Saintes Ecritures. " L'Imân ", c'est-à-dire la foi, en est l'acte; car la conviction intime du croyant sincère et adéquat, doit être extériorisée par un comportement, défini dans maints hadiths, comme condition sine qua non de la fidélité et l'assurance de tenir ce qu'on a promis, comme implication et conséquence péremptoire. C'est " la pratique des bonnes moeurs ", telles qu'elles sont dépeintes par Boukhari et Mouslim, ainsi que les Sonan.

Mais, ce fait ne veut guère dégager le Muslim d'une partie de ses engagements, comportant implicitement, un article inhérent au credo même et qu'un hadith définit expressément, comme suit : " Le vrai muslim est celui qui ne nuit à personne, ni par ses propos malveillants, ni par ses actes ".

Pour ce qui est du vrai " mumin ", Tabarâny et Ibn Hanbal citent, comme assise foncière, que " la foi par excellence – telle que définie par le Prophète – se manifeste par un bon comportement envers les hommes ". " La foi comporte plus de soixante dix branches. La branche infime consiste à écarter d'une voie publique, tout obstacle pouvant nuire aux passants (Sonan sauf Ibn Mâjah) ".

La terre toute entière, est, de par sa pureté initiale, une vaste mosquée sacralisée. Toute l'humanité doit être respectée et servie. La foi subjugue le croyant, en l'empêchant d'être perfide et scélérat, vis-à-vis de tous, comme le rapporte Abou Dawoud, qui ajoute, à propos des délits tels le vol ou l'ivrognerie ; " la foi se détache de son cœur, tant qu'il n'a pas mis fin à son péché ". Dans un tel cas, il est un éventuel criminel.

Ainsi, si l'Islam a pour essence une certaine pratique cultuelle, la foi est la certitude qui doit animer le for intérieur du " mumin ", s'identifiant à un attachement indélébile à Dieu et à la Morale Universelle transcendante, dont le plus infime aspect est d'éviter toute atteinte à l'honneur et à la dignité d'autrui.


L'AMOUR DE DIEU POUR TOUTE SA CREATURE

Q : Qu'est-ce que l'Amour ?

R : Allah aime toute Sa créature, croyante ou mécréante, car Il a créé en elle, un subconscient adorateur.

"J'étais un Trésor caché – dit un hadith qodsy (Sainte tradition) – et J'ai aimé à être connu. Alors, J'ai engendré les créatures, afin d'être connu par elles ". Cet amour prééternel de Dieu, ce désir de Se révéler à Ses créatures, est une séquence de manifestation, une succession de théophanies où prend place la doctrine des Noms Divins. Ces noms seraient essentiellement relatifs, quant au propre mode de vie de l'être humain, appelé à connaître Allah, à travers Ses attributs. Les formes, supports des Noms Divins, seraient nos propres existences latentes, nos propres individualités, qui aspirent à l'être en acte. Chez le philosophe Ibn Sina et le mystique Ibn 'Arabi, l'objet de cette aspiration ultime est identique, mais les moyens d'accès et les étapes de procession et de transcendance diffèrent. La causalisation est, dès lors, imprimée à l'être humain par ce catalyseur commun, " actué ", chez l'être par le Créateur, voulant être connu, par Ses créatures, qui l'adorent, malgré leur mécréance. La forme particulière de la Providence créatrice et amoureuse de Dieu prend place, dans l'Univers de l'enchaînement causal nécessaire. Un conformisme adéquat aux Noms Divins, se concrétisant par l'illumination des cœurs, consiste en l'adaptation de la vie humaine à un idéalisme mouvant et efficient, donc à l'édification d'une cité idéale parfaite, humainement parfaite, dont rêvait notamment Platon.

C'est pourquoi, tout croyant, imbu de cet Amour divin, est, " comme un miroir dans lequel se reflètent les défauts de ses frères " (hadith de Mouslim). Il s'agit, là aussi, de l'élan généreux de l'âme, ainsi façonnée par Dieu et du sentiment de liesse qu'éprouve le croyant, d'être si comblé par Dieu. L'Attribut miséricordieux actue le Cosmos, à travers la compassion du croyant. C'est l'acte d'amour universel qui anime le monde, s'identifiant à cette "attraction universelle " dont parle Newton, et dans laquelle, bien avant lui, Ibn El Qayyim. (XIIIème siècle ap. JC) a vu, dans son ouvrage Le Parc des Amoureux, le secret des attractions cosmiques.

C'est à travers cette ambiance transcendante, que l'humanisme abrahamique, donc foncièrement islamique, et universellement judéo-christiano-mohammadien, prêche la souplesse et l'aisance, la facilité et la clémence, "actuant" la fraternité éminemment humaine. Il exclut toute étroitesse d'esprit et tout rigorisme, évitant les complications, agissant avec pondération et mesure. "Evitez – dit le Prophète – d'être les victimes d'un fanatisme exagéré et d'un bigotisme excessif". (hadith rapporté par Tabarâny). De cet Amour, dérivent les promotions concordantes et les initiations harmonieusement équilibrées, qui déclenchent un système éthique que la Loi Révélée codifie, consacre et sacralise. De cette éthique, le Code civil français a puisé, à travers le rite malékite, une bonne partie de ses normes. Donc, assurer la quiétude de l'âme, dans un contexte et un concert , équilibrés et harmonieux, est le ressort vital de toute "actuation", émanant de ce Sublime Amour divin. Le concept même de la vertu est fonction de cette harmonie.

Cet amour de Dieu pour Ses créatures, est dépeint dans deux anecdotes, citées dans des traditions classiques. Qâroun, israélite opulent, fier de sa gloriole, fit la sourde oreille au prêche de son cousin le Prophète Moïse, qui invoqua Dieu, pour le punir. La terre – dit la tradition – commença à l'engloutir; se sentant menacé, Qâroun s'écria, rappelant à Moïse leur alliance congénitale sacrée. Moïse ne l'écouta guère. Allah, s'adressant à Moïse, auquel Il avait accordé le pouvoir de décider du sort de Qâroun, lui dit "O. Moïse ! Qâroun n'a cessé de te solliciter pour lui pardonner; tu as omis de lui répondre. S'il avait invoqué Mon pardon, une seule fois, J'aurais exaucé sa prière. Sais-tu, Moïse, pourquoi tu n'a pas eu pitié de lui ? parce que tu ne l'as pas créé".

Du temps du Prophète Mohammed, un païen arabe, le décriait dans ses poèmes. Capturé, lors d'une bataille, les Compagnons de Mohammed lui demandèrent de " briser ses incisives ", pour l'empêcher de continuer à le discréditer. Le Prophète refusa, craignant – dit-il – d'être mutilé par Allah, s'il ose infliger une telle peine à son dénigreur athée.

Cette sublime affection divine est irréversible. La mécréance impudente ne saurait l'affecter !


LE DEPOT SACRE

Q : Quelle interprétation donner à ce fameux " dépôt " évoqué dans le Coran en ces termes : " Nous avons proposé le dépôt aux cieux, à la terre et aux montagnes, mais ils refusèrent de le porter et en furent remplis de crainte. L'homme, lui, l'a pourtant porté. Il sera toujours un très grand injuste et un très grand ignorant " (Sourate 33, verset 72) ; et, rapporté par Hodhéïfa Ibn Al Yamân : " Le Messager de Dieu (BSDL), nous a dit deux sentences dont j'ai déjà vu la réalisation de l'une d'elles et dont j'attends celle de l'autre. Il nous a dit que le respect du dépôt était descendu dans la racine du coeur des hommes. Puis, le Coran est descendu et ils enrichirent, ainsi, leur savoir à partir du Coran et de ma Tradition. Puis, il nous parla du temps où le dépôt remonterait au ciel (....) " ?

R : Dans l'herméneutique gnostique, le mot " Amâna " a été interprété de diverses façons, dont une acception métaphorique, c'est-à-dire un sens émanant d'une comparaison ou d'une analogie implicite. Or, un principe bien établi, dans "'Ilm el Ouçoul" (Science des Sources de Loi), spécifie qu'on ne doit recourir à l'interprétation métaphorique, qu'au cas où la traduction étymologique, se dégageant d'une filiation sémantique normale, paraîtrait invraisemblable. Dans le cas de ce verset, interprété par le hadith rapporté par Hodhéïfa, corroboré par d'autres versets et hadiths authentiques, le mot Amâna semble devoir exprimer la notion de dépôt, "chose confiée en garde". Un autre verset, parlant de l' "Amâna" dit : " Dieu vous ordonne de restituer les dépôts à leurs ayants-droit " (Sourate 4, Verset 58). D'après un autre axiome de la science des 'Ouçoul', " les textes coraniques ou traditionnels doivent s'expliquer les uns par les autres ". "On cite à cet effet le mot 'doukh' interprété dans un autre hadith par doukhkhân = fumée ".

Là, outre ce verset 58, une variante du hadith rapporté par Hodhéïfa, l'est aussi par Abou Horéïra " selon le Recueil authentique de Mouslim ", donnant de plus amples renseignements. Le Prophète affirme clairement que le respect du dépôt et le respect des liens de la parenté, seront suscités " sous une apparence humaine le Jour du Jugement ", se tenant l'un à droite et l'autre à gauche de l'Enfer...les hommes les plus forts ne passeront le pontque grâce à leurs bonnes oeuvres. Un autre hadith cité par Al-Boukhari, aussi authentique, concerne un célèbre compagnon du Prophète, Azzoubeïr Ibn el 'Awwâm. L'anecdote est rapportée par son fils 'Abdellah Ibn Azzoubeïr. Celui-ci, symbole idéal de la piété, était considéré par l'Envoyé de Dieu, comme le seul " Hawary " de la communauté musulmane; il était l'un des plus riches, parmi ses coreligionnaires, sa fortune et biens immobiliers s'élevaient , selon Al Boukhari , à 50.200.000 dinars.  Chaque fois - dit-il - avant sa mort, le jour de la Bataille du Chameau que quelqu'un venait lui confier un dépôt, il lui disait : " Que ce soit à titre d'emprunt, car je crains de la perdre ".

Il s'agit donc, dans l'ensemble de ces textes, de la " Amâna ", dans son acception réelle qui est le respect du dépôt, quoique la Sourate 33, verset 72, fasse allusion à un Esprit transcendant sublime et supérieur.


CAUSALITE ET DESTIN

Q : Qu'en est-il du Destin ?

R : " L'homme est créé, à l'image de Dieu " ; son oeuvre le sacralise. C'est en contemplant Dieu, dans Sa grandeur, dans Sa surabondante richesse et dans la générosité de Son essence, qu'il réalise sa véritable nature. Autant l'Attribut divin est absolu, autant les attributs de l'homme sont entachés de relativité. En s'adaptant à sa nature, dans sa réalité originelle, il devient lui-même, conscient que la véritable sublimation, pour lui, est de rester lui-même, sans vouloir se dépasser, ni se rabaisser. Toute l'Ethique se résume, ainsi, dans l'effort soutenu, en vue de la réalisation du véritable soi, dans sa pureté initiale, antérieure à la descente de l'âme dans le corps, telle qu'elle a été dépeinte par Avicenne, dans son poème d'inspiration platonicienne " Habatat il ay ka mina el-Mahalli al-Arfay' Warqâa " " L'âme est descendue d'en haut, telle une colombe ". Cette dialectique consiste, donc, pour l'homme, à calquer ses qualités sur les Attributs d'Allah, afin d'être à l'image de Dieu, à la fois dans son attitude envers soi-même et dans ses rapports avec le monde " Vous vous comporteriez vis-à-vis d'autrui – inculque le Prophète – comme vous vouliez que Dieu se comportât envers vous ". C'est le critère de toute Ethique sociale. L'initié doit demeurer, dans sa miniature humaine, circonscrit dans les limites de l'être faible qu'il est. Rester soi-même, c'est évoluer dans une aisance libérale, sans se mortifier, sans se résigner outre mesure, sans se soucier des vaines prétentions; dans un élan spontané vers le mieux. On interrogea un jour, Aïcha, épouse du Prophète, sur ce que son mari faisait, en rentrant au foyer : " Il se comportait, affirma-t-elle, comme tous les humains ".

" Quand vous aurez décidé, fiez-vous à Dieu ", stipule le Coran.

L'acte planifié d'abord, la confiance en Dieu, ensuite.

C'est se fier à la Providence, tout en continuant à agir, conscient que c'est le libre gouvernement divin qui ordonne toute chose pour le bien ; Ibn Sina y acquiesce et le Baron Carra de Vaux y voit l'un des principaux aspects de l'Ethique avicennienne. La forme particulière de la Providence qu'est le Destin ou Décret de Dieu prend ainsi place, dans l'univers de l'enchaînement causal nécessaire. En Islam, tout le monde est unanime à soutenir, que le retour à Dieu, par une soumission totale (véritable définition du mot Islam), doit être postérieur à l'acte, c'est-à-dire n'avoir lieu que lorsque le croyant aura épuisé son potentiel causal. Se soumettre, dans ce contexte, c'est s'attacher à la vraie foi, à la souplesse et à l'aisance du dogme et de la loi canonique, à l'altruisme et au raffinement des coeurs : c'est " se sublimer " et idéaliser son propre comportement vis-à-vis de Dieu , en le " socialisant " vis-à-vis de l'humanité, abstraction faite de toute confession ou diversité raciale ; car " l'humanité est la famille de Dieu et le plus cher à Dieu est celui qui sert le mieux cette famille. " (hadith)


NABIY ET RASSOUL

Q : Quelle est la différence entre un Nabiy (Prophète) et un Rassoul (Messager d'Allah) ?

R : Le Prophète est un homme auquel Allah a inspiré une législation, sans lui en ordonner la promulgation. Le Rassoul, au contraire, est un Envoyé de Dieu, chargé de vulgariser les concepts qui lui sont révélés. Le nombre des Prophètes serait de cent vingt quatre mille (120.000 dans un autre hadith) et celui des Messagers trois cent treize , d'après un hadith cité par le Mousnad d'Ibn Hanbel et le Recueil d'Ibn Hibbân, rapporté par Abou Dharr el Ghifâry et Abou Oumâma.

Le Coran cite les noms de vingt cinq Rassoul qui sont: Adam, Noé, Abraham, Ismail, Isaac, Jacob, David, Salomon, Joe, Joseph, Moïse, Aaron, Idriss, Jonas, Houd, Chouaïb, Sâleh, Loth, Iliâ, El Yasâa, Jésus, Mohammed et Dhouel Kifl – celui-ci serait, d'après les historiens, le fils de Job, qu'Allah aurait envoyé, après son père; il vivait en Syrie; un tombeau qui porte son nom se trouve sur la colline de " Qacioun ", à Damas–.

L'avènement de certains Roussoul, comme Mohammed, " Le Messager-Prophète illettré qu'ils trouvent mentionné chez eux, dans la Thorah et l'Evangile " (Sourate 7, verset 157). Dis: " O gens ! Je suis le Messager de Dieu à vous tous. " (sourate 7I, verset 158) " Nous n'avons envoyé avant toi que des hommes parmi les habitants des cités" (Sourate 3, verset 109).

L'Imâm Ahmed Ibn Hanbal cite, dans son Mousnad, les propos d'un compagnon du Prophète: Abdellah Ibn 'Amr Ibn El 'Ass, qui, lisant la Thorah, y découvre les caractères de Mohammed, tels qu'ils sont réellement.

Annonçant le Messianisme, le Rassoul Issaïe proclame que " quand viendra le temps du Juge-Messie, la paix sera universelle; elle régnera parmi les hommes et les animaux " (Issaie, chap.XI, versets 4 à 9). Ezechiel rappelle les noms de trois Justes non-juifs: Noé, Daniel et Yob, envoyés à l'époque pré-israélite et proclame que "Toute violation de la loi morale est un crime contre Dieu " (Issaie chap.XIV du Psaume).

Adam avait reçu, bien avant Noé, des préceptes, précédant toutes les Ecritures sacrées.

Zoroastre était-il le Messager de Dieu aux Persans, pour leur annoncer le pur monothéisme d'Abraham? Sa religion aurait été déformée, prônant l'adoration du feu " symbole de la luminescence divine, " religion dualiste du bien représenté par " Ahuramazda ", et du mal et des ténèbres .

Les Sabéens avaient pratiqué la religion de Noé, mais l'avait reniée, ensuite , pour adorer les étoiles.

Les Pythagoriciens avançaient, dés le VIème siècle av. JC la théorie confirmée par Dieu de la rotation de la terre sur elle- même et du mouvement des planètes autour du soleil. Il ne s'agit guère ,là, à notre sens, d'un des aspects de la production intellectuelle de ces génies du raisonnement philosophique, comme le pense notre ami et collègue Maurice Bucaille. Il s'agit, là ,d'une inspiration digne d'un prophète ou d'un adepte de prophète. Cette inspiration pythagoricienne en rejoint une autre, révélée par le Coran, et qui ne saurait émaner d'un génie discursif, quelle que soit sa nature.


INCARNATION DE LA DIVINITE ET SON HERESIE

Q : L'Islam rejette l'incarnation divine ; cependant, ne permet-il pas de se rapprocher de Dieu à l'aide de ses attributs ?

R : Les vrais croyants, désirent demeurer constamment, à l'image de Dieu, par une exemplification transcendante, et tirent de chaque attribut l'élément qui sied à leur nature humaine vassale. Autrement dit, ils prennent, entre autres, comme modèles, la Miséricorde, la Clémence et la Grâce d'Allah, pour asseoir et stimuler leur propre compassion aux misères des autres, dans la mesure de leur faiblesse et de leur impuissance. Cette caractérisation socialisante on moralisation caractérielle peut, ainsi, se modeler en nous, sur l'ensemble des attributs, pouvant être pris comme sources d'inspiration. Point n'est besoin de souligner que les propos soufis, émis en l'occurrence, ne doivent guère être interprétés comme une allusion à une quelconque inclusion ou incarnation de la divinité dans l'humanité ou l'inverse. C'est là, une indéniable marque d'hérésie.

Il ne s'agit que d'une infusion de touches divines. Dieu seul est Absolu. Tout, chez l'être humain, est relatif. Une conformation adéquate s'ensuit, chez les Sahaba (Compagnons), par rapport au Prophète, aux initiés (mourids), par rapport à leurs maîtres. Toute une Ethique s'est élaborée sur cette assise traditionnelle. Une luminescence se reflète de manière réversible, en jaillissant dans le sens inverse ; ramenant l'initié raffiné, purifié et modelé par une pieuse crainte révérencielle, à transcender vers Dieu; reflétant ainsi, sur le miroir de son for intérieur, l'image authentique de son Seigneur. Grâce à ce modelage adéquat, à cette caractérisation sublimante, relativement façonnée à l'image de Dieu, la substance inhérente à sa nature initialement pure, s'extériorise, mais sans se démettre de son assujettissement vassal au Seigneur, Initiateur des Mondes. Abdelkader Jilani, Pôle réputé, dont les concepts font l'objet d'un soutien constant du fameux Imam Salafi, Ibn Taymiya, faillit chuter, en confondant les éclats divins embrasants et certaines "luminescences " lucifériennes factices. Il ne manqua pas de s'en apercevoir, conforté par la ferme stabilité de son âme. De ce processus transcendantal, le gnostique, ou le simple vrai croyant, tire les enseignements qui stabilisent ses attitudes révérencieuses, au sein de la Présence. Allah est toujours présent dans sa transconscience. C'est pourquoi, il ne doit nullement se permettre des familiarités, dans cette haute Audience.

Les Cheikhs soufis ne cessent de rappeler les commandements de la Sounna. Leurs ouvrages sont incrustés de concepts et préceptes, définissant la nature et les dimensions de cette haute " politesse " spirituelle. Leur conscience est " actuée ", pénétrée foncièrement, du souci constant de s'aligner rigoureusement sur les normes de la Chariya, à tous les niveaux cultuels, comportementiels, ou même temporels, préférant s'abstenir, en cas de doute et agir avec circonspection, tact et doigté, se sentant intimement contrôlés par Dieu, dans toutes les instances. Ils réagissent vivement contre tout écart de conduite ou de langage, grâce à la vivante créativité et à la forte concentration de leur coeur, imbu d'une pureté à toute épreuve. C'est là le cachet normal de tous les Elus de Dieu, quelles que soient leurs optiques ou leurs options. Tout geste doit être bridé, sous les rênes de la Sounna, avec une résignation, sans fatalisme, à la volonté suprême de Dieu. On doit, ainsi, agir toujours, selon les normes psycho-discursives, abstraction faite des interférences de l'acte accompli, tout en ménageant certaines subtilités et susceptibilités impondérables, que seule une conscience purifiée, est à même de sentir et de concevoir. Sur certains plans, une action peut s'identifier à une inertie, si on oublie d'en mesurer et peser toutes les latitudes. Zarrouq, censeur des soufis, élaborateur du grand code mystique, conforté par la Sounna, cite le cas du grand Messager Abraham – que Dieu le bénisse – qui, jeté dans le brasier par Nemrod, se vit intercepté par l'Ange Gabriel qui lui demanda : " Abraham ! As-tu besoin de quelque chose ? " "Pas de toi, mais de Dieu", lui répondit-il. " Invoque Le donc. ! " Et Abraham de répliquer, dans un élan de confiance infinie en Dieu: " La pleine conscience divine de mon état me dispense de toute invocation ! " Le Cheikh Zarrouq essaie d'expliquer la nature de ce geste Abrahamique, en précisant que c'est là, le comportement normal des Elus qui ne conçoivent un retour à Dieu, qu'après avoir épuisé exhaustivement, toutes les motivations psycho-somato-discursives. Des anecdotes sont, alors, notoirement, citées, comme celle de la mère de Moïse, plaçant le bébé par inspiration supérieure, sur un radeau en aval du Nil, près du Palais Royal, pour être recueilli et adopté par Pharaon. Là, aussi, le mobile rationnel qui l'a incité à agir, est manifeste. Mais, dans tout ce processus, la conscience servile du croyant pur, demeure le promoteur sublimement agréé, grâce à son catalyseur humain, actué par un élan esprit-raison, une double motivation. A savoir : agir toujours, sans se soucier des impondérables coercitifs ou restrictifs appelés fatalité, et en se fiant à Dieu, en dernier ressort, en cas d'empêchement dirimant. Le Coran dépeint spécifiquement ces deux approches, dans un verset proverbial : " Quand tu auras pris la décision d'agir, (c'est-à-dire un ferme planning), fie-toi à Dieu ". La transconscience humaine est, certes, façonnée, dans ses coins et recoins les plus intimes, pour se rallier au temporel rationalisé, en s'alignant humainement sur des concepts psychosomatiques. Rien ne s'oppose au processus humain de causalisation. L'initié, tout en se fiant à la décision intangible de son Seigneur, à son impératif actif, ne se défait nullement de ses initiatives agissantes. Là, le subconscient corrobore le rationnel. En clôturant le cycle d'équilibration entre le conscient discursif et le subconscient, la psychologie, ainsi rationalisée, finira par réagir bénéfiquement à la thérapeutique spirituelle.


LOCALISATION OU UNICITE FONCIERE ?

Q : " Ni Ma terre, ni Mon ciel ne Me contiennent, mais le coeur de Mon serviteur, porteur de foi, Me contient " dit Dieu, à travers ce hadith sacré. Quel enseignement !

R : Il y a une autre version de ce " hadith " sacré, qui compare le coeur du croyant à un forum, marqué par une insufflation divine de douceur et de quiétude. Les deux versions ne constituent, selon Ibn el Qayyim qu'un simple " athar " (tradition n'atteignant guère le degré d'un hadith) où le coeur du croyant, par une subtile parabole, est censé être pleinement convaincu de l'Unicité d'Allah, de Sa connaissance, de Son amour, de la foi en Lui et en Ses promesses. Beaucoup de Soufis le considèrent comme " authentique ", tel Ghazzali dans son " Ihya "; mais, dans son commentaire des hadiths rapportés par Ghazzali, le grand connaisseur des hadiths (El'Irâqi) considère ce " athar " comme apocryphe et le grand Imam Ibn Taïmyya n'y voit qu'une pure création "israélite". Il est donc dépourvu de tout " sanad " (chaîne de transmission) authentique. D'autres " mouhaddith " (commentateurs des hadiths) invoquent d'autres raisons qui lui retirent toute crédibilité. Son acception réelle, dans le cas où on pourrait lui accorder un certain crédit, ne saurait dépasser cette explication , avancée par Ibn el Qayyim, sans aucune implication hérétique d'une quelconque " Ittihad " (union créateur-créature), qui semble découler de ce vers de Hallaj :

" Je suis ce que j'aime et ce que j'aime est moi-même ". Il n'y a, là, qu'une marque de profonde Unicité d'Allah, ne comportant aucun élément implicite de " houloul " ou " Ittihad " qui nierait toute existence de l'homme sur terre. C'est surtout la précarité de cette existence qu'on est tenté de considérer comme " néant ". Ibn 'Arabi lui-même s'est dit tenté de réduire en cendres les foyers de ceux qui prêchent l'inexistence de l'être humain. Où est donc le " taklif " (responsabilité) du " moumin " ? dit-il. Cette précarité a été prise, par certains, comme un signe de son " anéantissement ".

Ainsi, il ne s'agit, en fait, que d'une vision de virtualité, marquée par l'existence relativement passagère de l'homme sur terre, par rapport à l'Unicité d'existence absolue et éternelle d'Allah ; ce qui n'implique nullement une quelconque " fusion " ou " union " du relatif et de l'Absolu, ni une dénégation de l'existence effective et non fictive de l'homme ; autrement, comment justifier - se demande Ibn 'Arabi – la responsabilité de l'être humain , dans ce bas monde ?

Tout cela veut dire, plutôt, - expliquent certains soufis -, " Wahdat es-Chouhoûd " et non " Wahdat el Oujoûd ", c'est-à-dire, une union virtuelle.  


CONNAISSANCES SECRETES

Q : Y a-t-il en Islam des connaissances secrètes, non révélées par le Prophète ?

R : Le compagnon Ali, gendre du Prophète disait : " Mon for intérieur est submergé de connaissance ; je ne trouve personne pouvant en assumer le fardeau ". Ce grand savant, qualifié par le Messager d'Allah, comme le gardien de la " Cité de la science  prophétique ", ne cessait de répéter : " Ne dites aux gens que ce qu'ils peuvent comprendre ". Ainsi, Ali, dépositaire des secrets de la grande gnose de notre Apôtre vénéré, se prévalait d'un savoir infini dont il ne trouva guère un digne porteur. Abou Horéïra, compagnon intime du Prophète, affirme avoir puisé, dans la source des sciences apostoliques, deux sortes de connaissances; il n'est autorisé à en révéler qu'une seule, l'autre demeure un apanage inaccessible, dont la divulgation expose le récalcitrant à la peine capitale. La philosophie rationalisée affirme constamment que les extrêmes se touchent, intimement rapprochés l'un de l'autre; seul un initié est apte à en saisir discursivement cette réalité à deux bouts. C'est dans ce contexte subtil, que le grand Imam Al-Jonéïd, promoteur d'un soufisme sunnite, basé sur une double source coranique et traditioniste , précisait bien que " nul ne pourra atteindre le grade sublime de la Réalité, sans être taxé d'hérésie, par un millier d'hommes véridiques ". Parfois, le relatif confine à l'absolu, répondant aux exigences d'une conformation psychosomatique où émerge le terre-à-terre de la norme humaine.

Chaque insufflation divine peut susciter un état, soit de béatitude, soit d'aise et d'espoir, soit de crainte. Les Prophètes vénérés, Jean et Jésus se sont rencontrés un jour, chacun d'eux se trouvait sous l'emprise d'une haute communion appropriée. L'un, mû par l'Attribut de la Domination astucieuse de Dieu qui écrase et annihile, l'autre " actué " par la Généreuse Clémence. Chacun se prévalait de l'Attribut qui l'animait. Deux attitudes superficiellement disparates, mais suscitées, chacune, par l'instant extatique, propre à l'un et à l'autre. Apparemment opposés dans leurs options, les deux Prophètes évoluent, pourtant, dans une étroite corrélation.

C'est le cas de Khadir (dit Khidr) avec l'éminent Messager Moïse, semblant, d'après le Coran, moins initié que son interlocuteur qui n'a point dépassé le grade de Saint. Pourtant, Moïse se vit octroyer par Dieu, durant les mille séances qu'il eut, de son vivant, avec Lui, des flots de cognition ineffables. Il ne faut donc guère se fier à certaines disparités externes. L'homme n'est pas toujours tel qu'il paraît l'être.


LE SENS CACHE

Q : Souvent, hélas, des optiques littéralites nuisent à l'esprit du Coran. Certains affirment, même, haut et fort, que l'ésotérisme coranique est inexistant. Existe-t-il, selon vous, des preuves canoniques qui invalident cette idée ?. Et, si c'est le cas, pourriez-vous nous citer quelques exemples révélateurs de ce fameux " sens caché " ?

R : L'ésotérisme coranique a pour assise la sourate dite Al-anfâl, Les Dépouilles (Verset 29) où Allah dit: " O vous qui avez cru ! Si vous craignez pieusement Dieu, Il vous donnera un pouvoir de discernement ". Cette Sourate est explicitée par une autre dite de la Répudiation, verset 2, qui souligne : " Celui qui craint pieusement, Dieu lui aménage une issue ".

Cette science ésotérique infuse, qu'Allah insuffle dans le coeur du croyant sincère, comporte deux phases ou étapes: la première est la source de l'initiation comportementielle, identifiée à un humanisme social, qui régit les rapports entre les hommes; mais, il s'agit, là, d'un humanisme qui vise l'épanouissement interne de l'être, car il touche les élans du for intérieur et le conditionnement conscient ou inconscient de ses réactions : autant d'éléments qui définissent la foi.

Quant à la seconde phase, degré sublime de " l'initié connaisseur " ('arif), elle est une mise en contact avec une sorte d'introspection ou " observation de la conscience par elle-même ", comme diraient certains théosophes. Véritable lumière, émanant d'un coeur purifié, dans lequel se projettent quelques flashs de la lumière divine; il s'agit de la " firâça " du moumin, définie par un hadith du Prophète comme " source de la connaissance ".

Abou Horeïra, compagnon du Messager d'Allah, nous rapporte un hadith, cité par " Boukhari ": " Le Prophète m'a inculqué deux sortes de connaissance dont je ne peux révéler qu'une seule ; la divulgation de l'autre est susceptible de m'être fatale "; le hadith fait allusion à un certain savoir occulte, infus, insufflé dans l'âme dépurée, qui n'est souvent pas conforme aux données littérales et dont la révélation troublerait les esprits. " Abou Hodhéïfa ", autre compagnon du Prophète, avait reçu de celui-ci, un thesaurus de connaissances qu'il tient en strict secret. Ali, gendre du Prophète, qualifié de creuset de la connaissance mohammadienne, disait: " Que de savoir comporte mon coeur ! Hélas, je ne trouve guère un réceptacle digne de le recevoir ; si j'avais voulu, je vous aurais inculqué – dit-il encore – sur la Fatiha (première sourate du Coran), des connaissances dont le poids équivaudrait à la masse pesante de soixante dix mules" ; et il enchaîne cet adage si sage: " Ne dites aux gens que ce qu'ils peuvent comprendre ". C'est, là, le secret de ce " sens caché " des connaissances ésotériques du Coran ou de la tradition authentique du Prophète. Un hadith, figurant dans la chaîne de transmission mystique, fait évoluer ce " sens caché ", jusqu'à ce que cette vision transcendante se répercute sur les coins et les recoins les plus intimes des Soufis. L'initié, lors de ses stades et états hiérarchiques, empreints parfois, d'épiphanies et de contemplation extatique, donne libre cours à l'ouverture. Alors, le " mourid " entrevoit certains signes de la réalité cosmique, à travers un voile épais qui, en transcendant, devient transparent, pour finalement déboucher sur la " moukâchafa "; là, le rideau se lève entièrement, par aboutissement final à la " vision directe ".

Il est à noter qu'un processus similaire, sans transcendance, se profile, sous un voile métaphorique, chez les profanes. Le langage du coeur est allusif. Quand on essaie de le traduire expressivement, il s'obscurcit, s'occulte et s'offusque.


THEOPHANIE ET EPIPHANIE

Q : La raison peut-elle concevoir que toute adoration est en fait amour du Dieu Unique, même si l'amant n'a pas conscience que ce qu'il adore n'est autre qu'épiphanie de la réalité divine ?

R : L'Amour, depuis des temps immémoriaux, était passionnément attaché à une divinité dont la nature s'est transcendée dans l'esprit de l'homme, d'une conception affective terre-à-terre, à une omnipotence " maîtrisante ", vers une Essence Sublime d'un Etre Supérieur, qui créa l'homme et son ambiance terrestre, par Amour. L'adoration que l'être humain identifie à un culte rendu à Dieu, procède d'un amour pour un Etre éminemment généreux. Un hadith du Prophète précise bien que "le croyant doit aimer Allah, pour les biens infinis qu'Il lui octroie". Mais, pour les Soufis bien initiés, il s'agit là, d'un état vulgaire, car l'Amour véritable n'est pas conditionné. Bien mieux, cet Amour est voué foncièrement à une Divinité dont l'Essence transcendante est inaccessible à l'esprit humain. L'Amour, certes, procède de la connaissance de l'Aimé, mais, là, la véritable connaissance d'Allah, s'identifie à "une conviction indélébile et à l'incapacité de l'homme de Le connaître". C'est un adage formulé par le premier Khalife Abou Bekr es-Siddic, repris par Pascal. L'homme ne saurait, ainsi, accéder à cette connaissance qu'à travers les manifestations épiphaniques de la Réalité divine, d'où cet amour conséquent que les créatures humaines doivent se vouer les unes aux autres, simplement par amour du Créateur. Ceux qui adorent les idoles, n'y voient, au fond, qu'une épiphanie d'une réalité supérieure. Dans tout amour qui anime un fidèle sincère, un véritable initié, vis-à-vis de Dieu, le moi n'existe plus, car tout ego éloigne d'Allah. Autant cet amour est véritablement adéquat, autant il est dégagé, et intrinsèquement dépourvu de tout sentiment d'aspiration aux dons et miracles éventuels, qu'Allah n'accorde, que rarement, à ceux qu'Il affectionne. Quand Allah aime un de Ses Elus, Il ne lui concède aucun pouvoir exceptionnel, qui pourrait être, pour lui, un mobile de vaine gloriole, d'une défaillance de l'Aimé dans la mémoire de l'Amant, oubli ou négligence mentale, source de perdition.

L'initié est constamment vigilant. Il est bien conscient que Satan est toujours aux aguets, dans la sournoise expectative d'une déviance de l'Elu, qui adore Allah, mû par Son amour. C'est là, un état exceptionnel pour l'initié, à la merci des épreuves. Les autres êtres humains sont constamment attachés, par attirance spontanée, à la rentabilité de leurs actes cultuels, mais dans le cas d'une sublime initiation, le 'Arif "connaisseur" n'est aimé que conséquemment à un Amour provenant d'Allah. Un verset du Coran affirme que cet amour du 'Arif, pour son Seigneur, n'est que le résultat d'un Amour qui lui est voué par Dieu (Sourate 5, verset 54). Les initiés savent bien que toute invocation d'Allah, pour être exaucée, doit être sincère et désintéressée. " L'intégrité et la droiture de l'initié, prévalent sur un millier de miracles " dit le grand Maître Sidi Ahmed Tijani. Les" Wali" (élus) considèrent ces miracles comme des menstrues, sources d'impuretés. Même sur un plan socialement profane, l'amour maternel désintéressé est d'autant plus plausible qu'il est naturel et spontané. Si, même, dans une conjoncture anormale, un père ou une mère croient faussement à la filiation propre d'un enfant qui, réellement, n'est pas le leur, ils lui vouent le même amour. C'est un état déterminé par le sentiment, plus que par la réflexion.

La foi elle-même n'est autre chose qu'un amour de Dieu, secouant le for intérieur de l'Amant, l'illuminant, assurant sa transcendance. Le moi est alors éliminé, et l'Amant est ramené à l'état du "fana" (extinction) où il ne se reconnaît plus, éteint dans le Soi de son Bien Aimé. La transcendance vers Allah est une voie d'amour. En réalisant son propre être, en communion parfaite avec l'Etre, le 'Arif, qui aura accédé à la grande ouverture, redeviendra lui-même, en réintégrant, par un amour plus intense, son état normal de subsistance "Baqâ" où il incarnera l'homme universel parfait "el Insàn el Kâmil ", miroir pur où Allah se reflète par amour, à travers Ses Noms et Attributs.

Le mysticisme spiritualiste et la philosophie rationaliste semblent s'y entendre, car la conception avicennienne de la transcendance aimante vers Dieu, trouve une certaine complémentarité dans la dialectique d'Ibn 'Arabi : " J'étais un trésor caché – dit la Sainte Tradition – et J'ai aimé à être connu. Alors, J'ai engendré les créatures, afin d'être connu par elles". Cet amour prééternel de Dieu, ce désir de se révéler à des créatures pour se faire aimer, est une séquence de manifestation, une succession de théophanies où les hommes ne sont que les formes épiphaniques de Dieu.


ROLE DES PROPHETES ET APOTRES DANS L'INITIATION D'UN CROYANT MUSULMAN

Q : Le croyant musulman peut-il recevoir une initiation d'un Prophète ou d'un Wali d'Allah disparu ?

R : Chaque initié semble être en général, une manifestation par laquelle, un Prophète ou un Apôtre, transmet la forme épiphanique de l'Etre Divin, qui s'y concrétise. Cette dernière est alors revêtue de l'un ou de plusieurs des Noms ou Attributs d'Allah; chaque Nom Divin manifesté, étant le seigneur de l'être qui le manifeste, c'est-à-dire l'apparence des formes. Les supports des Noms Divins seraient donc les propres existences latentes de l'initié, ses propres individualités, qui aspirent à l'Etre, à travers les Noms Divins. En effet, chacun de nos actes, initiés ou non initiés, est mobilisé, grâce à un Attribut dont il est la manifestation théophanique. Au fond, cette conception est caractérisée par une double dialectique de lumière et d'amour. Il s'agit de la quintessence de la pensée, aussi bien soufie, que philosophique, car Avicenne " n'aurait pu se saisir sans le mouvement initial de mystique naturel qui le traverse ". Cette philosophie avicennienne est une philosophie d'influence musulmane où le référent coranique devient une base qui s'unit à certaines influences métaphysiques. Ibn Sina ne saurait se comprendre sans l'Islam. Il rejoint les soufis les plus " orthodoxes ", en précisant que seul le Prophète – tout Prophète – est apte à pénétrer et vivre l'harmonie secrète qui relie l'homme au cosmos. L'initié, habitué à orienter son intellect pour recevoir l'illumination des substances séparées, en vient, dans le miroir purifié de son âme, à s'élever jusqu'à la compréhension intime des fondements de la loi religieuse.

Q : Qu'est-ce-que ce flux émanateur de lumière ?

R : La prière conduit l'âme à l'intimité du monde de la domination et des mondes plus élevés de la toute puissance divine ; l'âme humaine raisonnable est apte à recevoir, par degrés, une communication toujours plus haute de cette lumière du flux émanateur, dont elle-même est formée, et qui découle, en nécessaire surabondance de l'Essence divine, c'est-là, la nature même de la connaissance mystique. Chez Ibn Sina, cette conception de la transcendance de l'être vers Dieu, trouve une certaine complémentarité dans la dialectique apparemment contradictoire d'Ibn Arabi. Le Dieu révélé - dirait le grand mystique andalou - est un Dieu qui pense et qui œuvre, qui supporte les attributs divins et est capable de relations.

Q : Mais, arrivé à ce stade, le Saint serait-il dispensé des prescriptions coraniques ?

R : Quand bien même son intellect en arrive à refléter, comme un miroir transparent, les Lumières du Divin, le Saint doit continuer à se soumettre aux obligations religieuses. L'observance des prescriptions positives de la loi divine, la pratique des actes cultuels, faciliteront au croyant sincère, quelle que soit sa confession révélée, la mise en relation avec le Corps du Ciel, la captation de l'influx des sphères célestes et l'intensification de la sympathie qui relie le microcosme au macrocosme. C'est là le secret de cette double acception philosophique et mystique qui active les mondes, à travers l'impact cosmique des Noms Divins, dont s'inspirent, tous les Messagers et Prophètes.

Si Larbi Ibn Sayah, estime que cet ésotérisme, dûment appliqué, aura pour effet certain la purification de l'âme, d'une part, par l'élimination des vices et la concrétisation des vertus, et, d'autre part, par une sublimation et une luminescence intimes dont la fruition spontanée et immédiate est le jaillissement d'idées concises qui se reflètent sur le miroir poli de l'âme dégagée de toute flétrissure. Dans cette transcendance de lumière, " les projections se précisent, les reflets prennent forme et l'éclair devient étoile filante ".

Toutefois, quelques éléments artificiels peuvent fausser ce processus transcendant différencié des procédés hypnotiques ou des pouvoirs extranormaux.

Q : A quoi faites-vous allusions ?

R : Il s'agit de tous les moyens, plus au moins artificiels, tel le yoga indien. Avicenne n'écarte point, dans l'évolution de l'initié, le perfectionnement de l'âme cristallisée par ces pouvoirs : mouvements giratoires rapides, fixation par l'oeil de Chiva d'un objet brillant ou noir ou tout autre procédé pouvant aider à dégager artificiellement, l'âme de son cadre corporel, pour recevoir des " illuminations ". Certaines images parviennent, grâce à une pratique de concentration très poussée, à se détacher de leur ambiance. En éliminant l'effet des organes sensoriels, le subconscient réagit, alors, avec toute la force de ses potentialités distraites par le sensible. Mais, seul l'initié reste capable de faire intervenir son " goût intuitif ", développé dans l'ambiance luminescente de son âme purifiée.

J'ai insisté, dans ce parallélisme entre le soufisme et la philosophie, sur le test avicennien, car Avicenne avait bien reconnu cette corrélation entre l'intellect et la révélation disant :

" Toutes les fois que je ne pouvais saisir un raisonnement, je me rendais à la mosquée et j'adressais mes prières au Créateur, afin qu'il m'aplanît les difficultés ".


INTERCESSION ET CULTE DES SAINTS

Q : L'intercession des saints peut-elle être considérée comme un culte ?

R : Le Coran a défini les limites d'accès à Dieu, consistant exclusivement à L'adorer Seul, à éviter toute médiation comportant un signe divin de prééminence. La condition sine qua non, de toute médiation légitime, est la conviction que le médiateur n'est qu'un serviteur d'Allah, ayant un grade initiatique supérieur. " Je suis prêt de Mon serviteur – proclame notre Seigneur dans le Coran –, il doit s'aligner à Mes commandements, pour être agréé ".

" O vous qui avez cru ! Craignez pieusement Dieu, recherchez tout moyen qui vous donne accès à Lui " (Sourate 5, verset 35).

Ce moyen réside, notamment, dans la piété et la pureté ; mais, d'après maints hadiths, Dieu permet à certains de Ses Elus, d'intercéder pour leurs tribus, ou leurs proches ; mais, cette intercession ne doit pas aboutir au culte des saints, qui en sont investis. Ils demeurent serviteurs d'Allah, comme le reste des croyants. Le Prophète lui-même répète, constamment, qu'il n'est que serviteur, Messager d'Allah.

" Ont effectivement renié ceux qui ont dit : " Dieu, c'est bien le Messie-fils- de-Marie-". Et le Messie a dit : " O fils d'Israël ! Adorez servilement Dieu mon Seigneur et le vôtre ... " ( Sourate 5, verset 72).

" Ont effectivement renié ceux qui ont dit : " Dieu est le troisième des trois ; et il n'est de Dieu qu'un Dieu Unique " (Verset 73).

Les sympathisants ou adeptes d'une confrérie, risquent de sombrer dans un culte mécréant , s'ils voient, dans leurs maîtres et initiateurs, autres choses que de simples serviteurs élus par leur Seigneur. A l'époque anté-islamique, la déviance de certaines croyances, ramena les gens à l'idolâtrie, comme les mages de Zoroastre devenus astrolâtres. Certains gestes, si minimes soient-ils, sont considérés par l'Islam et par les soufis eux-mêmes, comme des signes de mécréance : tels l'acte de prosternation devant un saint, ou le sacrifice d'un ovin ou bovin, devant son tombeau .

Notre Seigneur est Unique, son adoration est exclusive. Certains parmi les Arabes étaient des adeptes de la religion d'Abraham, quoique ayant été assez loin des commandements révélés à cet éminent Apôtre. Waraqatt-Ibn Nawfal était parmi eux. Le Prophète ne manqua pas, un jour, de le consulter. Des ermites chrétiens n'ont pas failli à ce prescrit divin. D'autres " ont pris leurs docteurs et leurs moines, ainsi que le Messie, -fils-de-Marie-, comme Seigneurs, au lieu de Dieu. Mais, ils n'ont reçu l'ordre que d'adorer un Dieu Unique " (Sourate 9, verset 34)

" Oui, ceux qui disent : " Dieu est, en vérité, le troisième des trois ", sont impies. Il n'y a de Dieu qu'un Dieu Unique. S'ils ne renoncent pas à ce qu'ils disent, un terrible châtiment atteindra ceux d'entre eux qui sont incrédules. " (Sourate 5, verset 73)

" Les Juifs ont dit : " Ozeïr est le fils de Dieu " et les Chrétiens ont dit: " Le Messie est le fils de Dieu " ( Sourate 9, verset 130) (Ozéïr est Osée ou Hoséah, l'un des douze petits prophètes hébreux (au VIIIème siècle av. J.C)).

" Ils ont pris leurs rabbins et leurs moines comme Seigneurs et Maîtres à la place de Dieu, ainsi que le Messie-fils-de-Marie " (Sourate 9, verset 31). Q : Vous avez parlé des " limites d'accès à Dieu ", pouvez-vous nous donner plus amples renseignements coraniques, en l'occurrence ? R : " Celui qui approche de trop près – dit le Coran – les limites de Dieu et de son Messager, celui-là a pour lui le feu de l'Enfer où il s'éternisera. " (Sourate 9, verset 63).

Il s'agit de l'auréole de respect qui doit entourer Dieu et Son Messager.

" Dieu a promis aux Hypocrites, hommes et femmes, ainsi qu'aux Mécréants le feu de l'Enfer où ils s'éterniseront " (Sourate 9, verset 168)

Un hadith, rapporté par Anass, affirme : " Quand Mon serviteur se rapproche de Moi d'une palme, Je Me rapproche de lui d'une coudée. Quand il se rapproche de Moi d'une coudée, Je Me rapproche de lui d'une envergure. Quand il vient à Moi, en marchant, Je viens à lui en trottant. " (Boukhari). Ainsi, quand Allah aime quelqu'un, Il se substitue à lui dans ses actes et décisions et sa nature s'harmonise avec celle de Dieu, tout en demeurant serviteur élu par son Seigneur.

Q : Y a-t-il corrélation, quant à ces limites, dans les Religions Révélées ?

R : Allah n'a cessé de dépeindre cette corrélation, dans le Coran, reprise dans des définitions traditionnelles du Prophète. Un hadith rapporté par Boukhari, dit :

" Trois personnes ont une double prééminence, un homme du Livre, qui avait ajouté foi à l'apostolat de son propre Prophète, en y joignant celui du Messager Mohammed. Un serviteur qui se serait acquitté des devoirs et obligations envers son Seigneur (Allah) et son Maître. Un homme, maître d'une servante dont il avait préalablement parfait l'éducation, pour l'affranchir ensuite et l'épouser ".

Q : Mais, existe-t-il une concordance plus concrète, comportant des ordres précis (prohibitifs, restrictifs ou permissifs), afférents à l'ensemble des supports et substrats, cultuels et socio-économiques ? "Evitez – dit le Prophète – (d'après Boukhari et Mouslim) les sept péchés graves : le polythéisme, la sorcellerie (ou magie noire), l'homicide volontaire illégitime, l'atteinte aux biens d'un orphelin, l'adultère, la fuite d'une armée, la diffamation d'une femme innocente. "

R: " Parmi les Signes du Temps (c'est-à-dire l'approche de l'Heure) – dit le Prophète – : la disparition de toute connaissance, l'expansion de l'ignorance, l'extension de l'adultère et de l'alcoolisme ; le nombre des hommes s'amenuiserait, alors, celui des femmes augmenterait, à tel point qu'il n'y aura qu'un seul homme, pour une cinquantaine de femmes ". Ce sera le résultat des conflits meurtriers.

Ce sont là, les limites d'un domaine réservé strictement à Dieu : La Sourate 2, au Verset 177 stipule : " L'obéissance à Dieu et la bienfaisance ne consistent pas à s'orienter en direction de l'Est, de l'Ouest, mais ce sont le fait de celui qui a cru en Dieu, au Jour Dernier, aux Anges, au Livre et aux Prophètes, qui a donné l'argent, malgré son amour pour lui, aux proches, aux orphelins, aux miséreux, à l'étranger de passage, aux mendiants et pour affranchir les esclaves ou racheter les prisonniers, qui a accompli correctement la prière et qui a donné l'aumône légale ; ce sont les faits de ceux qui tiennent leurs engagements, lorsqu'ils s'engagent et, qui se montrent patients dans la maladie, le malheur et au plus fort du combat ".

L'Amour divin, l'observance de Ses prescriptions, sont le seul catalyseur d'attraction transcendante et d'approche d'Allah. Le véritable promoteur de cette ascension est la conformation du croyant chrétien, juif ou musulman, aux concepts divins dont les limites se concrétisent, en quelques deux cents prohibitions, englobant les actes immoraux, censés éloigner le croyant du forum de Dieu.


IMMUNITE APOSTOLIQUE

Q : Les Messagers d'Allah jouissent-ils d'une certaine protection ?

R : Le concept le plus élémentaire, dans toute Ethique, est l'observance stricte des lignes de la haute morale, dans ses dimensions universelles. C'est pour la Prophétie, le devoir sublime de propager la vertu, d'ordonner le bien et de décommander le mal. Tout apostolat, tendant à cultiver la foi, exige de son promoteur, un zèle exceptionnel, dans la pratique de cette foi éthique, exigeant une abnégation et une générosité, toute humaine, sans faille; une propension à aimer, à servir et rapprocher les cœurs, dans un élan dégagé de tout égoïsme. C'est l'altruisme pur.

Les Messagers de Dieu ont été les modèles de la perfection, quoique humainement relative, à son degré le plus élevé. De ce point de vue, unanimement admis, dans l'Ethique canonique, les Apôtres acquièrent un privilège ou une prérogative, qui les imprègne d'une certaine immunité. Pour l'Islam, cette immunité n'est guère totale; elle ne s'identifie guère à l'infaillibilité qui est un Attribut divin, car elle est absolue et totale. N'empêche que le dogme de l'infaillibilité pontificale a été proclamé en 1870, selon lequel le Pape ne peut se tromper, quand il tranche une question de foi ou de mœurs. L'Envoyé d'Allah, Mohammed, fit remarquer, qu'il pouvait toujours se tromper, n'étant qu'être humain "dans le domaine non révélé". Renan a su développer, dans son ouvrage sur "Jésus", la thèse chrétienne, qui n'a prévalu que plus d'un millier d'années, après Jésus, et qui marque une frontière nette entre le temporel et le spirituel, en résumant le célèbre dicton : "Rendez à César, ce qui est à César, et à Dieu, ce qui est à Dieu". Cette thèse qui a fini par constituer la base fondamentale de la pensée occidentalo-chrétienne, a été formulée, depuis près de quatorze siècles, par le Prophète Mohammed qui disait, d'après une tradition authentique : "Je ne suis qu'un homme".

L'Evangile, dans sa version élaborée par Luc, renie pourtant l'immunité des Prophètes et taxe certains, parmi les grands Apôtres, de graves péchés. Le Livre de la Genèse (chap. 38) accuse Juda, fils de Jacob, d'adultère, avec l'épouse de son fils, qui engendra, un des aïeux de David, Salomon et Jésus. David lui-même, Messager vénéré, aurait eu (d'après le Livre de Samuel, chap. 11), des rapports sexuels avec " Ouriya ", l'épouse de son commandant d'armée qu'il massacra – dit-on –, pour s'approprier sa compagne. Pire encore, la proclamation, par les Livres des Rois (chap. II) de l'apostasie de Salomon, fils de David, qui fit "bâtir" le Temple de Jérusalem.

Une des marques de l'immunité prophétique, est la haute tenue morale des Envoyés de Dieu. Ils se réfèrent à Dieu, comme l'Initiateur exclusif, la source unique et péremptoire de toute émanation ou inspiration. Ils ne s'arrogent nul pouvoir dans l'actuation des choses. La réplique de Jésus à son Seigneur était des plus " policées ". Quand Dieu lui demanda s'il a vraiment osé dire aux gens de l'adorer, lui et la Sainte Marie, sa mère, il ne chercha guère à se disculper et se contenta de répondre : " si je l'avais dit, Tu l'aurais su ". Parlant de Moïse, à son arrivée à Médian , exténué par la longue marche et la faim, le Coran dépeint son doigté idéal, quand il invoqua Dieu, évitant une sollicitation directe, en disant : "Ô mon Dieu ! J'ai un besoin servile de tout bien dont Tu daignes me pourvoir !" "La terre a été déployée – dit le Prophète Mohammed – devant mon regard, le lendemain de l'Ascension Nocturne; ses continents furent présentés à mes yeux ". Il ne s'est point attribué une vision directe, sans l'aide de Dieu. Jésus, Moïse et Mohammed se sont donc montrés, par cet humble geste, dignes d'une stricte accommodation aux subtiles exigences présentielles, c'est-à-dire de la Présence divine. Dieu rapporte, aussi, dans le Coran, que Job s'écria, en ressentant une souffrance physique intense : "Ô Mon Dieu ! Le mal m'a éprouvé et Tu es le plus Clément parmi les Cléments". Job s'est avéré conscient des convenances de la Présence. Aïcha, épouse du Prophète, a qualifié les caractères mohammadiens sublimes, de coraniques; fine allusion aux qualifications divines "relativisées". Douée d'une délicate pudeur, elle n'osa point se permettre de qualifier de " divines " les attributions caractérielles du Prophète. Elle s'est cachée derrière le voile coranique, pour se dérober des Splendeurs embrasantes de la Haute Majesté qui inspire une crainte pieuse.


LES ANGES ET LA TENTATION DEMONIAQUE

Q : Les Anges sont-il immunisés contre la tentation démoniaque?

R : Les hommes, quelles que soient leurs confessions, ne résistent guère à la tentation démoniaque. Les Anges, au contact de la perversité humaine, seraient-ils ébranlés ? Allah a voulu les tester, encore une fois, après le premier test où ils ont reçu l'ordre Divin, de se prosterner devant Adam, Satan s'étant seul refusé de le faire, par vanité et gloriole. Allah a donc envoyé, sur terre, Haroût et Maroût, pour les éprouver et démontrer leur immunité, sorte de protection divine contre le péché. Allah est seul infaillible ; mais Il met Ses Elus humains ou angéliques, à l'abri de toute infraction ou violation de Ses prescriptions.

" Et quand un Messager leur est envoyé de la part de Dieu " - précise le Coran - confirmant ce qui était avec, voilà qu'un groupe de ceux qui ont reçu le Livre rejette le Livre de Dieu, derrière leur dos, comme s'ils ne savaient pas ".

Les démons apprennent aux gens la sorcellerie, ainsi que ce qui a été descendu sur les deux Anges, Haroût et Maroût, à Babel. Ils n'instruisirent personne, sans lui dire auparavant : " Nous ne sommes qu'une tentation, ne deviens pas négateur ". (Sourate 2, verset 102).


NATURE SATANIQUE

Q : De par sa nature, Satan appartient-il à la catégorie des anges ou à celle des djins ?

R : Et lorsque nous dîmes aux Anges: " Prosternez-vous à Adam, ils se prosternèrent, sauf Iblîs (Satan) ; il appartenait aux génies et il se rebella contre l'ordre de Son Seigneur " (Sourate 18, verset 50).

Les génies sont des êtres de feu, les Anges de lumière et l'homme est né de l'argile. Les Anges sont immatériels, non soumis à la loi de la pesanteur et dépourvus de toute progéniture, au contraire des génies et des humains.


ADAM ET MOHAMMED : PREEMINENCE OU PREEXISTENCE ?

Q : Lorsque l'on demanda au Prophète : " Quand fus-tu Prophète? ", il répondit : " J'étais Prophète, alors qu'Adam était entre l'eau et la boue ". N'y-a-il pas prédestination ou préexistence de la Réalité mohammadienne, selon la formule akbarienne ?

R : Le Messager d'Allah dit, en réponse à une question posée par son compagnon Abou Horéïra, qui lui demanda : " Quand es-tu devenu Prophète ? : J'étais Prophète, alors qu'Adam était entre l'esprit et le corps ". (Hadith authentique rapporté par Tirmidhy dans ses Sonan).

Une autre variante ajoute : " ... et ce, lors de mon engagement, le Jour de Covenant ".

Certaines variantes, proches les unes des autres, attestent la prophétie spirituelle de Sidna Mohammed, c'est-à-dire celle qualifiant son Esprit vénéré. Cet Esprit s'identifie à sa Réalité (Réalité mohammadienne), intégrant, comme propriété ou qualité propre, la marque d'une prophétie, à un moment où l'esprit d'Adam ne lui a pas encore été insufflé. Il ne s'agit donc guère de l'Entité Mohammadienne (corps et âme), mais d'un élément lumineux subtil dont  la véritable nature est inaccessible à la raison humaine.

Tous les Prophètes s'étaient, en effet, engagés dans le Covenant, au même titre, les uns après les autres.

Il n'en résulte qu'une simple prééminence et non préexistence. La matière corporelle adamique existait déjà, mais dégagée de son souffle vital, né bien avant, mais non encore intégré dans le corps. Un autre hadith corrobore cette conception. Il est rapporté par El Boukhari, Ibn Hanbal, Tabarâny et El-Hâkim. Selon ce hadith : " L'expression "Mohammed, Envoyé d'Allah, Sceau des Prophètes"  était inscrite, sur les colonnes du Trône Divin, et, partout, au Paradis, avant la naissance d'Adam ".

S'agit-il d'une existence virtuelle, inscrite dans le Décret Divin et prévu dans la Volonté créatrice d'Allah, comme l'attestent certains traditionistes ? Dans ce cas, une réelle succession dans la création est à éliminer.


MI'RAJ DU PROPHETE

Q : Comment expliquer que la Tradition et la littérature qui entourent "le Voyage Nocturne" du Prophète soient si prolixes et souvent contradictoires , alors que le Coran est extrêmement concis, à ce sujet ?

R : En effet, cette tradition, concernant les péripéties du Voyage Nocturne, est très concise dans le Coran, alors qu'elle présente dans les hadiths, une certaine profusion, comportant des éléments parfois contradictoires.

Ce double voyage de la Mecque à Jérusalem, et de celle-ci, par ascension, vers les Cieux, eut lieu, en l'an 621 ap. J.C, un an avant l'émigration à Médine. Il est destiné, précise le Coran, à " marquer les grands signes divins " (sourate 53, verset 18).

Le premier voyage miraculeux est signalé (dans la sourate 17, verset 7), tandis que l'Ascension accomplie de Jérusalem au Jujubier du Terme (Sidrat el Mountaha), en passant par les sept Cieux, est décrite dans la Sourate de l'Etoile (versets 8 et suivants).

Les hadiths afférents à cette pérégrination ont soulevé cinq questions, incrustées de controverses, à propos de la date du voyage qui aurait été réalisé, soit la même nuit, soit en deux phases, soit en songe ou en état de veille, ou une partie en rêve, lors du sommeil, l'autre en pleine conscience physique.

Les compagnons du Prophète, dans leurs commentaires de ces hadiths, émettent des opinions différentes les unes des autres. Aïcha, épouse du Messager d'Allah va jusqu'à nier ces déplacements miraculeux (selon Baïhaqy), ainsi que Mou'awya qui n'avait adopté l'Islam qu'une dizaine d'années, plus tard. Abou Bekr, premier Calife du Prophète affirmait son plein assentiment. Une série, donc, de hadiths créent une confusion, concernant les détails du voyage. Certains de ces hadiths sont rapportés par Ibn el Athir. Souyouthy fait état de longs hadiths, dépeignant, avec maints détails, différents les uns des autres, la nature du Boraq (monture miraculeuse), les péripéties du voyage, les signes perçus lors de l'Isra, le comportement de l'Ange Gabriel, Guide du Prophète (accompagné, selon certains, par Michaël). Ces hadiths figurent dans les Sonan, les Mousnad (d'Ibn Hanbal et Bezzar), les Recueils de Sahih, (Mouslim et Boukhari).

Boukhari, à lui seul, ne retenant que les Hadiths authentiques, en rapportent des dizaines, dans lesquels le processus du voyage et de l'Assomption est décrit amplement : incidents du voyage, prière dans la Mosquée Al Aqça, trajet à travers les Cieux, rencontre d'autres Prophètes,à la fois à Beït al Quods et dans chaque ciel : Adam au premier Ciel, Jean et Jésus au deuxième, Joseph au troisième, Idriss au quatrième, Aron au cinquième, Moïse au sixième, Abraham au septième. Moïse était là où se trouve le Jujubier du Terme, Terminus des Anges qui ne dépassent guère cette dernière station céleste. Maintes anecdotes jalonnent le contact des deux Roussoul Mohammed et Moïse, avant l'accès du premier à "Beït el Maâmour", au dessus. Dans ce processus, Boukhari intercale les controverses concernant l'idée essentielle, à savoir si le voyage fut en corps et âme ou en rêve seulement. Boukhari s'appuie sur le verset 60 de la Sourate de l'Isra (sourate 3), pour confirmer le miracle de l'Ascension physique effective.

Cette profusion de hadiths ne concernent pas seulement ce cas. L'Imam Ahmed Ibn Hanbal, nous signale un nombre exorbitant de hadiths en cours, se montant à un million, la plupart créés de toutes pièces par des hérétiques ou des Israélites. C'est pourquoi, l'analyse stricte du Sanad (chaîne de transmission) des hadiths fut l'oeuvre essentielle des " Mohaddithines " comme Boukhari et Mouslim, qui n'avaient retenu que quelques milliers. Ibn Hanbal n'en a pu authentifier que 24.000. Tout le reste a été jugé apocryphe !


LA NUIT DU DESTIN

Q : Le Coran affirme que chaque lettre, et, donc, chaque sonorité du Livre, est descendue, durant une seule nuit dans le corps (et non le mental) du Prophète. Que symbolise cette nuit de la prédestination, durant laquelle la révélation est globale, alors qu'historiquement, elle a duré plus de vingt ans et de façon progressive ?

R : Le Coran dit : " Nous l'avons fait descendre (le Coran), dans la nuit du mérite (ou de la valeur) ; ... la nuit du mérite vaut mieux que mille mois ; au cours de cette nuit, les Anges et l'Esprit (Gabriel) descendent, avec toutes sortes de décisions, avec la permission de leur Seigneur. Elle est paix et salut, jusqu'à la montée de l'aurore " (Sourate el Qadr, versets 1-5).

Il s'agit, non de la nuit du destin ou de la prédestination, comme le définissent certains exégètes du Coran ; la lecture de " Warsh " spécifie bien le " qadr " (mérite ou valeur) et non le " qadar " (destin). Cette valeur spécifique se justifie par un double mérite : c'est, primo, une nuit durant laquelle le Coran tout entier fut révélé et enregistré dans la Table Gardée, pour être descendu, par versets, selon les conjonctures, durant plus de deux décennies.

C'est, secondo, une nuit, durant laquelle toute invocation équivaut, en valeur, à mille mois de pratiques cultuelles, c'est-à-dire a plus de quatre vingt trois ans, durée d'âge moyen de l'homme.

Pour inciter le croyant à rechercher la nuit précise où ce mérite est octroyé, Allah l'a cachée, comme maints autres cultes, telle l'heure optimale de la journée du vendredi. Des hadiths la déterminent, avec plus ou moins de précision, en la faisant évoluer entre les dix nuits impaires de la fin du mois de Ramadan ; cela était vrai, pour cette seule année, du vivant du Prophète ; mais, d'autres traditions en situent le roulement ou la rotation, à travers toute l'année, de sorte qu'elle fut signalée, après le Ramadan.


POURQUOI UN CORAN EN LANGUE ARABE ?

Q : Y a-t-il une raison particulière à ce que Dieu révèle sa religion en langue arabe et spécialement dans le dialecte qoraïchite ?

R : Le Coran a été, certes, révélé en langue arabe, véhicule dialectal spécifiquement Qoraïchite. La grande fédération de Qoraïche même, accusait le Prophète d'avoir reçu d'un jeune armurier gréco-romain, l'enseignement de la Bible. A ce sujet, le Coran dit : "Nous savons parfaitement bien qu'ils disent : c'est un être humain et rien d'autre qui l'instruit. La langue de celui auquel ils font allusion est étrangère et celle-ci est une langue arabe, bien claire" (Sourate des Abeilles, verset 3). Le Livre Sacré spécifie, dans une autre Sourate, (Sourate Abraham, verset 4) : "Nous n'avons envoyé de Messager que dans la langue de son peuple, afin qu'il leur expose clairement les choses". La Bible, Ancien Testament, inspirée par Dieu au Peuple juif, est écrit en hébreu, nom donné par la Bible aux Araméens de Harran, qui traversèrent l'Euphrate et s'installèrent en Canaan. Certains prétendent que le véhicule de révélation mosaïque était le hiéroglyphe, signe scriptural de l'ancienne Egypte où vivait le peuple d'Israël, au temps de Moïse.

Quant aux Evangiles, Livres de St Matthieu, St Marc, St Luc et St Jean, qui racontaient la vie de Jésus-fils-de-Marie et exposèrent sa doctrine, ils sont écrits en grec, sauf une version primitive où l'Evangile de St. Matthieu fut écrite en araméen. Les Araméens sont des sémitiques nomades de la Mésopotamie du Nord qui, au XIIIème siècle avant Jésus-Christ, formaient, en Syrie et au Liban, de petits Etats, ennemis des Hébreux. Les Araméens furent, alors, asservis par l'Assyrie (terre du Prophète Jonas) et les Achéens ; la langue reste celle de tout le Proche-Orient, au temps du Christ. Les Doriens de l'Asie Mineure, donnèrent à la Grèce ancienne son dialecte, dont le caractère propre à la littérature et au dialecte dorien, est connu sous le nom de " dorisme ", écrit, dit-on, de droite à gauche et portant la même nomenclature alphabétique cananéenne: alfa, bêta (alif, ba, ta). C'est dire qu'il s'agit, toujours, d'une même langue sémitique, comportant des dialectes araméen, cananéen, phénicien, hébreu et arabe, appelés les uns et les autres: groupe sémitique oriental ou nord-occidental. Le sémitique était, ainsi, le seul véhicule des Livres révélés. C'est là, une autre marque de l'union sacrée des Saintes Ecritures.


EMIGRATION EN TERRE DE MECREANCE

Q : La théologie musulmane ordonne au croyant de s'expatrier d'un pays où règne la mécréance. Certains Imâms déconseillent, même, le voyage en terre non musulmane ! Ne peut-on pas en être surpris ?

R : L'émigration d'un Musulman en terre de mécréance est , non seulement légitime et permise, mais devient obligatoire, quand elle tend à rechercher le savoir, l'expérience et un moyen de vivre correct et digne ; mais, tout cela à la condition sine qua non que le croyant puisse accomplir librement son culte, dans une ambiance de paix et de tolérance mutuelle. C'est aujourd'hui, le cas de ceux qui s'expatrient vers l'Europe ou l'Amérique, comme les étudiants, les ouvriers et les commerçants, en quête d'un meilleur bien-être.

Cette immigration dans un pays où règne la mécréance est d'autant plus péremptoire, qu'elle aide, parfois, des néophytes européens ou américains, à mieux connaître le vrai visage de l'Islam, dégagé de tout bigotisme, grâce à un brassage quotidien, avec les vrais Musulmans. Au début de l'Islam, le Prophète incitait les néophytes musulmans à quitter la Mekke où ils étaient maltraités, pour l'Ethiopie, terre chrétienne où ils pouvaient accomplir, sans contrainte, leurs devoirs religieux. Mais, après la conquête du Centre de la Kaâba, cette " hijra " fut prohibée, sauf dans le cas où il y aurait nécessité absolue d'un soutien quelconque à d'autres Musulmans qui habitent une terre d'accueil étrangère. Ibn Hajar Haïthami l'a expressément souligné dans ses " Fatawi traditionnelles ", à propos d'un hadith dont l'effet a été abrogé et où le Messager d'Allah " interdit aux Musulmans de vivre parmi les mécréants ". Al Baïhaqi, un autre commentateur des hadiths, l'a également confirmé, dans ses Sonan, ainsi que l'Imam Chawkâny.


PECHE ORIGINEL

Q : La notion du péché originel est-elle admise, autrement, par l'Islam ?

R : Le péché originel qu'Adam aurait commis ainsi qu'Eve et qui entache toute leur postérité, est inacceptable par l'Islam. Néanmoins, cette notion, attachée initialement à une certaine transgression par Adam et Eve de la loi divine, est admise pour un des deux fils d'Adam, Caïn, qui avait commis un acte criminel, en tuant son frère Abel, instituant ainsi, un précédent dont il sera rendu responsable, chaque fois qu'un tel acte est perpétré par un être humain contre un autre. Un hadith est cité, à propos de l'exégèse de la Sourate des Abeilles (sourate 16, verset 25) qui dit " Afin qu'ils portent leurs charges entières, le jour de la Résurrection, ainsi qu'un peu des charges de ceux qu'ils égarent, sans s'appuyer sur la moindre science. Quel bien mauvais fardeau que celui qu'ils portent "!

Ce hadith dit : " A l'occasion de l'assassinat de toute âme, mise iniquement à mort, le premier fils d'Adam en assume une part de la responsabilité, ayant été le premier à avoir institué cet acte criminel ".


REINCARNATION

Q : Que pense l'Islam de la réincarnation ?

R : La réincarnation, c'est une nouvelle incarnation (d'une âme) dans un corps différent. Il s'agit d'une métempsycose, sorte de transmigration, après la mort, de l'âme d'un corps, dans un autre corps. Cette croyance est le fondement du brahmanisme.

Dans ses entretiens avec Rachel et Jean-Pierre Cartier, Eva de Vitray-Meyerovitch dit, que s'agissant " d'un nouveau manuscrit qu'on me prête et où il y a un mot douteux. Je le rétablis ; j'ai l'impression que je l'ai toujours su ". A la question posée par ses deux partenaires : " On peut se demander si cela ne vient pas d'une autre vie ?", elle répond : " Qui peut savoir ? "...

Parlant de la réincarnation, Eva de Vitray-Meyerovitch ajoute :

" Les premiers Pères de l'Eglise y ont souvent cru, notamment Origène, et puis, il y a eu le coup de barre donné par l'Eglise, en 560, je crois, au Concile de Mâcon, qui a déclaré que les gens qui croyaient à la réincarnation méritaient l'excommunication ... L'Islam, n'ayant pas de Conciles, ne peut interdire de croire à la réincarnation "

Il est important de noter combien le " dogme " de la réincarnation est ignoré des grands philosophes de l'Antiquité, ainsi que des Religions Révélées. La théorie de Platon est dépeinte par Avicenne, dans un poème célèbre, où il décrit l'état de l'Ame, Esprit descendu d'en haut, telle une colombe, pour s'intégrer, prisonnière, dans le corps de l'homme. Chaque esprit a la nostalgie du retour à son état originel, où les esprits préexistaient, par rapport aux corps.

Il ne s'agit guère d'une réincarnation, mais d'un état sublime auquel le Prophète Sidna Mohammed a fait allusion quand il dit : " les Esprits sont (comme) des soldats mobilisés, ceux qui se reconnaissaient (d'antan) s'attiraient et ceux qui se méconnaissaient, se repoussaient ". C'est, expliquent maints soufis, cette reconnaissance " du déjà vu ou déjà su, qui avait émergé, depuis un temps immémorial dit de la Première Création où l'Esprit fut marqué sur la "Table Gardée ", caractérisé par ces spécificités. (lieux et états).

Dans une nouvelle étape, dépeinte par certains traditionistes : l'Esprit émanait de la lumière sacrée, concrétisée dans une Deuxième Création, en Esprit tiré du dos d'Adam, tels des atomes auxquels Allah s'adressa, le Jour du Covenant. Dans un troisième stade, les Esprits sont alors insufflés aux êtres créés. Chacun ayant le sien . De là, dit-on, " les maîtres soufis reconnaissent leurs disciples ".

Parlant d'un Soufi africain, qui n'est autre qu'Amadou Hampaté Bâ, Eva de Vitray-Meyerovitch souligne qu'il voyait dans le verset : " d'étape en étape, les hommes sont transformés, mais ils ne comprennent pas, car ils sont oublieux " ; le léthé, qu'il envisage comme l'oubli précédant l'incarnation. Or, dans le concept initial de ce léthé, on ne parle guère, de multiplicité d'incarnations. Le léthé, est un des fleuves de l'Enfer où les âmes s'abreuvaient, oubliant le passé. Le verset, fait remarquer la savante Eva, veut dire, selon certains autres, que " l'homme a une évolution spirituelle au cours d'une seule vie, mais qu'il l'oublie toujours ".


QU'EST-CE-QUE LA "MOUBAHALA" ?

Q : La "moubâhala" est-elle une épreuve d'Allah?

R : C'est ce qu'on appelle "ordalie", épreuve judiciaire, dont l'issue, réputée dépendre de Dieu, établit la culpabilité ou l'innocence d'un individu. Au Moyen Age, elle était appelée Jugement de Dieu.

La nature de Jésus a été l'objet de controverse, du temps du Prophète, avec les Arabes chrétiens de Najrâne que le Prophète invita, par défi, à maudire les menteurs. Ce fut l'objet du " moubâhala ", ordalie d'exécration : sorte d'épreuve judiciaire, qui, faute d'arguments convaincants, établit, de par une puissance surnaturelle, émanant de Dieu, la culpabilité ou l'innocence. Quand Allah dit dans le Coran : " Si quelqu'un vient t'opposer ses arguments à son sujet (Jésus), après ce que tu as reçu comme savoir ", dis alors : " Venez qu'on appelle nos fils et les vôtres, nos femmes et les vôtres, nos propres personnes et les vôtres, puis invoquons Dieu, pour qu'Il frappe de Sa malédiction les menteurs ". (Sourate 3, verset 61).


LE VOYAGE DES AMES

Q : Qu'en est-il du voyage des âmes, au regard du verset 42 de la Sourate XXXIX ?

R : Le voyage des âmes est décrit dans le Coran (Sourate 39, verset 42), comme suit : " Dieu retire aux êtres leur âme, au moment de leur mort, ainsi qu'a ceux qui ne meurent pas, durant leur sommeil. Il retient l'âme de ceux dont il a arrêté la mort et Il relâche l'autre, pour un délai nommé à l'avance ".

Au moment de la mort, l'âme quitte le corps, pour rejoindre un monde intermédiaire, le Barzakh (ou isthme) que d'aucuns identifient faussement, au Purgatoire des Chrétiens. La rencontre des esprits des dormeurs avec ceux des morts, est une source du rêve (surtout celui appelé songe prémonitoire, durant lequel le cauchemar est éliminé). Ce voyage miraculeux des âmes dans l'esprit des soufis, lié au récit de l'Ascension Nocturne du Prophète, permet d'envisager un voyage similaire où le dormeur, de part son rang spirituel élevé, peut entrer en contact, non pas seulement avec les morts, mais aussi, avec les anges dans les sphères célestes.

L'Ascension du Prophète est dépeinte également dans le Coran (Sourate 17, Verset 3). Ses péripéties sont décrites dans des hadiths cités par les Sahih de Boukhari, Mouslim et par d'autres, rapportés par les Sonan, plus ou moins authentiques, où abondent certains détails d'origine biblique. Abou Yazid Bistâmy (IIème siècle de l'ère hégirienne), déclare avoir effectué, en rêve, un voyage mystique surnaturel. Des textes chamaniques (magico-religieux), relatent le voyage du grand Chaman Gengis Khan, qui se vit monter au ciel, au XIIIème siècle, sur un cheval gris. La Divine Comédie, élaborée par Dante, entre 1307 et 1321 de l'ère chrétienne, est un poème sacré, récit épique de séjour fait par Dante, à travers les trois régions: l'Enfer, le Purgatoire et le Paradis. On pense que le poète florentin (1265-1321) eut connaissance des récits concernant l'Ascension Nocturne du Prophète, à travers les traductions faites en 1264, en français et en latin, d'une version espagnole d'un texte arabe. (La version latine est conservée à la Bibliothèque Nationale de Paris  n° 6064). Ainsi, l'eschatologie musulmane, était déjà connue, à l'époque des grands soufis andalous tel Ibn Irabi de Murcie (1165-1240) dont on compare les récits paradisiaques élaborés, dans certains de ses ouvrages, avec ceux de la Divine Comédie.


L'ENFER EST-IL ETERNEL ?

Q : Eva de Vitray Meyerovitch a écrit dans son ouvrage (L'Islam, l'autre visage) : "Il n'y a pas d'Enfer éternel. C'est même inconcevable. Tout au plus une purification, ce qui, si vous voulez, peut correspondre au Purgatoire". Quelle est la position de l'Islam ?

R : Dans le Coran, l'éternisation des mécréants dans l'Enfer, est souvent nuancée, dans maints versets, par la Transcendance du vouloir Divin et Sa haute Immanence, d'où l'espoir d'un Enfer non éternel. D'ailleurs, quelques hadiths authentifiés corroborent cette option. Ce qui incite Ibn'Arabi à dire, jouant sur les mots 'adhâb (supplice) et 'oudhouba (douceur) que l'Enfer, de par la volonté d'Allah, n'est pas fatalement lieu de tourment; certains versets parlent même de périodes d'éternisation, ce qui veut dire une " non-éternisation ".

" Le feu est votre séjour où vous vous éternisez, sauf ce que Dieu a voulu " (Sourate 6, verset 128).

Le terme "éternel" revient dans chacun des versets suivants (Sourate 9, verset 17 ; Sourate 10, verset 27 ; Sourate 65, verset 10 ; Sourate 59, verset 17 ; Sourate 73, verset 25 ; Sourate 99, verset 6 ; Sourate 35, verset 35).

"Celui qui vient à son Seigneur a pour lui l'Enfer où il ne connaît ni mort ni vie". (Sourate 20, verset 74).

"Assurément, je remplirai l'Enfer des génies et des humains tous ensemble. Goûtez donc, pour avoir oublié la rencontre de votre jour que voici. Nous vous avons oubliés, goûtez au supplice de l'éternité, pour ce que vous faisiez " (Sourate 32, verset 141).

"Ceux qui ont nié Nos Signes, Nous les rôtirons en Enfer. Chaque fois que leurs peaux seront cuites, à point, nous les leur remplacerons par d'autres, afin qu'ils goûtent le supplice" (Sourate 4, verset 56).

"Puis, on a dit à ceux qui ont été injustes : "Goûtez au supplice de l'éternité !" (Sourate 10, verset 52).

"Ils y seront immortels, tant que dureront les cieux et la terre, sauf ce qu'aura voulu ton Seigneur" (Sourate 11, verset 107).

Il est vrai qu'Allah finira par absoudre certains, après un long séjour en Enfer, d'après un hadith qui précise que " celui qui a dans son coeur le poids d'une graine de moutarde de foi, ne s'éternise pas en Enfer ".

"L'Enfer est toujours à l'affût ; il guette ceux qui outrepassent la mesure et sera leur point de retour. Ils y demeurent durant de longues périodes" (Sourate 79, verset 21-22-23).

Dans la Sourate 19 au verset 66, il est dit : " Il n'est point un seul d'entre vous qui ne doive passer par l'Enfer, puis nous sauvons ceux qui ont été pieux et y laissons les injustes accroupis sur les genoux ". Le Coran s'adresse aux compagnons du Prophète. Un hadith rapporte que le Jour du Jugement Dernier, il y aura un pont très étroit, jeté sur toute la longueur de l'Enfer, dont la profondeur est évaluée à plusieurs longues années de marche. Tous les gens, bons ou mauvais, passeront par ce pont, à des vitesses différentes, selon leur degré de piété. D'après l'exégète kechrid, les fidèles seront sauvés.


RETRIBUTION DE L'INCROYANT

Q : La vie morale peut-elle se dispenser de la vie spirituelle ? En d'autres termes, la bonne action d'un incroyant sera-t-elle rétribuée, dans l'au-delà ?

R : Un mécréant ne saurait être, en principe, rétribué dans l'au-delà, d'après un verset formel du Coran ( Sourate 25, Verset 23).

Néanmoins, deux hadiths du Prophète semblent mitiger cet arrêt divin, en lui accordant une acception nuancée. Les hadiths concernent deux oncles paternels mécréants du Prophète : Abou Lahab et Abou Tâlib.

Au premier, le Coran réserve toute la Sourate 3, intitulée le Chanvre, avec ses 5 versets, pour stigmatiser son acharnement et sa méchanceté, lui et son épouse, à l'encontre de son neveu, Sidna Mohammed. Son nom est Abdou el Izza, mais il est dénommé, Abou Lahab (l'homme incendiaire) par le Coran.

Abbas, autre oncle paternel du Messager d'Allah, raconte avoir vu, en songe, son frère Abou Lahab, lui révélant l'allègement de ses tourments infernaux, chaque lundi, jour de naissance de son neveu, à l'occasion duquel, il avait, par excès de joie, affranchi son esclave Touwayba.

Dans l'autre hadith, le Prophète affirme, à propos de son oncle Abou Tâlib, qui l'avait élevé et entretenu comme orphelin, au même titre que ses enfants, "avoir eu une vision dans laquelle, il l'avait ôté et retiré des profondeurs de l'Enfer, pour le placer dans un "dahdâh", d'un niveau infernal de faible profondeur, afin de raccourcir ses peines (anecdote racontée par la calife Abou Bekr).

Certains commentateurs de hadiths, voient dans l'une et l'autre des deux traditions, une preuve du caractère opérationnel, dans l'au-delà, d'une bonne action, accomplie de son vivant, par un mécréant. D'autres, et non des moindres, tel Beïhaqi, comparé à Boukhari, y voient, au fond, une marque de la grâce divine. Cependant, ils n'admettent guère l'autre opinion voyant dans cet allègement, un signe spécifique au Prophète, qui aurait intercédé pour ses deux oncles. L'atténuation du supplice d'un mécréant dans l'Enfer, est, donc, plausible, même en dehors de cette intercession bénéfique au Prophète, car le verset coranique, qui semble annihiler l'oeuvre d'un incroyant, se rapporterait, exclusivement, au propre péché de mécréance, et non à l'acte lui-même, d'autant plus que la grâce divine peut jouer amplement. D'éminents exégètes du Coran et commentateurs de hadiths s'accordent sur cette approche, marque sublime de la Providence d'Allah, dont les desseins infinis sont impénétrables. Parmi ces " Mohaddithines ", on peut citer Ibn Hajar, l'Imam Sohaïly, le Hafid Ech-chaïbâny, et Al Baghawi.


LE BARZAKH

Q : Le Barzakh correspond-il au Purgatoire du Christianisme ?

R : Le Coran décrit le " Barzakh ", comme lieu de séjour des âmes, entre la mort et la résurrection : " Peut-être que je ferai quelque bonne œuvre de ce que j'ai laissé " Oh que non ! Ce n'est, là, qu'une vaine parole qu'il prononce et derrière eux se trouve un " Barzakh ", jusqu'au jour où ils seront ressuscités " (Sourate 23, verset 100). Le Barzakh est étymologiquement un isthme qui lie le corps au col. Il s'agit là, de la période qui coule entre la mort et l'avènement de l'Heure : Jour du Jugement. C'est pourquoi, il est appelé " Dar el Jazâa " (maison du jugement). L'âme immortelle ondule dans ce forum intermédiaire, avant son accès au Paradis ou à l'Enfer; les croyants et les mécréants sont, donc, tous réunis, dans cet espace. Les âmes des dormeurs rencontrent celles des morts, durant les songes prémonitoires, selon un verset coranique qui souligne que " Dieu retire aux êtres leur âme (ou esprit), au moment de leur mort, ainsi, qu'à ceux qui ne meurent pas, durant leur sommeil " (Sourate 39, verset 12). Le sommeil est, ainsi, identifié, dans un hadith, à la mort. Ibn el Qayyim parle, de sanctions ou de récompenses réservées, selon maints hadiths, aux mécréants et fidèles, symbolisant un avant- goût des manifestations ultérieures, lucifériennes ou paradisiaques. Il semble, d'après un autre hadith de Salmân el Fârissi, compagnon du Prophète, qu'il s'agit, là, d'un " Barzakh terrestre " où les âmes sont détachées de leurs corps avant leur union postérieure, au sein du Paradis ou de l'Enfer. Le Barzakh serait constitué par deux parties, l'une donnant sur le Paradis et l'autre sur l'Enfer. Alors, fidèles et infidèles peuvent percevoir le lieu de leur futur séjour.

On ne peut donc guère assimiler ce " Barzakh " au Purgatoire du Christianisme, défini par les uns et les autres, comme " lieu ou état de purification dans lequel, selon l'Eglise catholique, les âmes des justes – et seulement des justes – achèvent l'expiation de leurs fautes, avant d'être admises au Paradis".


GOG ET MAGOG ET L'ANTECHRIST

Q : Gog et Magog et l'Antéchrist ont alimenté souvent les esprits imaginatifs. quels rôles jouent ces peuplades, selon l'eschatologie islamique?

R : Gog, Magog et l'Antéchrist (ou Faux Messie, selon l'appellation islamique) ont eu le même sort, éliminés de la terre, par le vrai Messie, le vénéré Envoyé d'Allah,Jésus-fils-de-Marie. Citant Gog et Magog, le Coran dit : " Jusqu'à ce qu'il atteignit la terre entre les deux obstacles (montagnes), il trouva, en deçà de ces deux obstacles, un peuple ne comprenant presque aucun langage. Ils disent : " O Dhoulqarneïn ! Gog et Magog sont des semeurs de corruption sur terre. Acceptes-tu, contre tribut, de construire un barrage entre nous et eux ?". (Sourate 18, versets 93 et 94).

Il ne s'agit guère, dans cette Sourate, d'Alexandre le Grand (356- 323 av. J.C), roi de Macédoine, qualifié par certains historiens, de Dhoulqarneïn . Ce serait plutôt un roi, connu sous le nom d'Ifriqch dont les armées atteignirent Gibraltar, à l'Ouest, et la Chine à l'Est. Le grand historien maghrébin Ibn Khaldoun, se référant à l'andalou Ibn hazm (Vème siècle de l'hégire), nia le passage d'Ifriqch en Afrique, sous prétexte que les chroniqueurs d'Egypte n'ont pas parlé de lui, dans l'histoire de la Delta du Nil, par où il aurait dû passer. Ibn Khaldoun semble oublier, à notre sens, que le plus court chemin, entre la Terre Himyarite, à l'extrême Sud d'Arabie et l'Afrique du Nord passe , plutôt, par la Mer Rouge (appelée, alors, Bahr Qoul-zoum), d'où cette osmose ethnique entre les habitants de l'Atlas (Sanhaja et Masmouda) et du Rif Marocain (Qtâma). Le mot Sanhaja a donné Znaja et Znouj (noirs).

Les deux barrages dont parle le Coran, se situent – dit-on – dans les montagnes du Caucase et celles de l'Himalaya, en Inde. Pour d'autres, le peuple auquel le Coran fait allusion, serait le peuple persan, qui aurait fait appel à Dhoulqarneïn, pour empêcher les Tartares et les Mogols (Gog et Magog), d'envahir les régions, au sud du barrage. On aurait, même, trouvé en Perse, au XVème siècle, les vestiges de ce barrage en bronze, tel qu'il est dépeint par le Coran. Boukhari cite, dans son Sahih, trois hadiths afférent à Gog et Magog.

Quant au Dejjal (Antéchrist), Ibn el-Qayyim cite, à propos du " récit de l'Ascension " du Prophète aux Cieux, un hadith rapporté par Ibn Messaoud, compagnon du Prophète, dans lequel, Jésus raconte à Sidna Mohammed, qu'après l'avènement de l'Antéchrist, il descendra sur terre et le tuera. Les Gog et Magog afflureront, alors, de partout, détruisant tout sur leur chemin ; les gens feront appel à Jésus qui invoquera Dieu, pour les éliminer de la terre, laquelle sera infestée par les odeurs nauséabondes de leurs cadavres ; le Christ s'adressera, encore une fois, à Allah, pour la nettoyer, par d'abondantes averses, et jeter dans la mer, les corps décomposés de ces peuplades barbares.


DU MAHDI

Q : Quels sont les éléments les plus probants susceptibles d'accréditer la Tradition Mahdiste ?

R : L'avènement de Mahdi " portant le prénom du Prophète Mohammed est corroboré par une cinquantaine de hadiths, traditions authentifiées du Messager d'Allah ".

Deux mobiles probants semblent accréditer la Tradition Mahdiste : restaurer le règne de la justice sur terre et l'élimination de l'oppression et de la tyrannie d'une part, et d'autre part, la préparation du messianisme. Ce hadith, cité par Abou Dawoud, dans ses Sonan, est rapporté par Abou Saïd el Khoudry qui ajoute que le Mahdi exercera son pouvoir, durant sept ans, avant la venue de Jésus-fils-de-Marie. Une autre variante de ce hadith qualifie le Mahdi, de Vicaire de Dieu sur terre. Quoique non Prophète, il sera chargé d'assurer la prospérité humaine, dans une ère nouvelle, marquée par l'abondance du cheptel, la richesse agricole, la répartition équitable des biens et des fortunes, exigée par l'explosion démographique des êtres humains, dont l'ostensible mécréance est doublée d'exhibition importune. Le Mahdi s'installera, alors, à Jérusalem. D'où vient-il ? Un hadith, rapporté par Abou Nou'aïm dans son Hilia, le fait venir de Khorassân (province au Nord de l'Iran), à la tête d'escadrons, portant des étendards de couleur noire. Il est vrai qu'un autre hadith, rapporté par Ibn Mâja, nie tout avènement Mahdiste, proclamant que Jésus est le véritable Mahdi; mais l'authenticité de ce hadith, méconnue par les autres recueils orthodoxes, est douteuse. El Hâkim le considère comme apocryphe. Le Messager d'Allah a tenu à souligner, dans maintes traditions, sciemment authentifiées, le double avènement de Jésus et Mahdi. Ibn 'Abbâs avance même un hadith cité par Abou Nou'aïm où le Prophète Sidna Mohammed parle de trois phases, dans la communauté musulmane, marquée en premier, par Sidna Mohammed lui-même, suivi par Mahdi, avec le vénéré Jésus, à la fin.

Un autre hadith rapporté par Ahmed Ibn Hanbal, dans son Mosnad et Tabarâny, dans ses Sonan, spécifie que Jésus sera accompagné d'un groupe de croyants, appartenant à la communauté musulmane, " en tant que monothéistes abrahamiques ", geste qui atteste l'unité foncière des législations révélées. Le fait même que Mahdi ne soit pas un Prophète, marque le rang sublime de Jésus, qui ne reviendra sur terre, qu'après le septennat mahdiste. Mahdi, Saint dans la hiérarchie des Abdâl, n'est pas un Qotb  (pôle); mais le Prophète l'aligne, à propos de son maqâme  (stade initiatique) , sur ses deux Khalifes : Abou Bekr et 'Omar, d'où la vénération spéciale affichée par Jésus, à son égard, en lui accordant le droit de présider une prière commune, en tant que représentant du dernier des Prophètes, Sidna Mohammed. On peut se demander, alors, quel lien existe-t-il entre ce double avènement et la fin des temps ?.


LA FIN DES TEMPS

Q : En effet, à l'heure où se répand l'idée de "Fin de l'histoire" et où resurgissent moult idéologies millénaristes, quelle place donner à la théorie des cycles et à l'eschatologie de la consommation des siècles ?

R : L'idée de la "fin de l'histoire" est celle exprimée, autrement, par les termes coraniques d'approche de l'Heure. Parlant de l'avènement du Messie, Jésus-fils-de-Marie, le Coran y voit "un indice certain de l'approche de l'Heure". Mais, cette "théorie des cycles" ou "eschatologie de la consommation des siècles", est loin d'être précise, même en recoupant quelques dizaines de hadiths mineurs qui demeurent vagues, car Dieu a sciemment caché la délimitation temporelle de cette approche. Ces signes se firent jour, depuis des siècles; mais les véritables indices qui constituent les signes précurseurs majeurs de l'approche de l'Heure, sont déterminés par leurs contours moins flous, mais qui demeurent toujours imprécis. La conscience nettement définie de cette approche demeure " l'exclusivité d'Allah " (hadith de Mouslim et Tirmidhy). Il est vrai que, d'une façon générale, l'humanité semble atteindre la fin des temps; mais ce genre d'approche se compte par siècles. Parmi ces indications, signalées dans la Tradition, figurent : l'écoulement du temps qui semble passer avec plus de rapidité (hadith de Tabarâny) ; une humanité de plus en plus méchante (Mouslim); l'ascension des parvenus (Boukhari); des inflations excessives (Sonan); l'avènement de faux messies, parmi les Musulmans ou les Chrétiens (l'un d'entre eux a connu un sort unique, c'est le faux Jésus de Nazareth). Un hadith (rapporté par Boukhari et Mouslim) spécifie comme signes de l'approche : les combats engagés par les Musulmans contre les Juifs et la prospérité de l'Arabie qui sera jalonnée de ruisseaux abondants et de prairies verdoyantes. Mais, les véritables prémices , qui signaleront le commencement de la fin, peuvent se résumer en deux indices essentiels. Il s'agit du renversement de l'axe de rotation terrestre (le soleil se lèvera de l'Occident, pour venir se coucher en Orient) et de l'avènement du Messie. Comme commentaire du verset indiquant l'approche de l'Heure, la plupart des exégètes pensent qu'il s'agit de Jésus dont la résurrection, à la fin des Temps, annoncera l'approche de l'Heure. Certains hadiths, afférents à cet événement, sont plus précis. D'après les Sonan (de Nassaiy et Tabarâny), Jésus, dans son mouvement messianique, sera accompagné par un groupe de combattants ou partisans musulmans. Là, un autre hadith précise que tous les Gens du Livre ajouteront foi à ce messianisme. Les Chrétiens reconnaissent en Jésus-Christ, le libérateur, rédempteur des péchés, envoyé par Dieu, pour rétablir son Royaume (abrahamique) sur terre (l'Ancien Testament).

Tous les Prophètes et Messagers d'Allah, de tous temps, en proclamant le messianisme de Jésus, avertissent leurs communautés (Boukari et Mouslim) contre le faux-messie, qui (selon Mouslim) demeurera une trentaine ou quarantaine d'années sur terre, soutenu par 70.000, juifs venus d'Ispahan (au Sud de Téhéran). Le Messie Jésus-fils-de-Marie, demeurera quarante ans, tuera la race porcine, abattra la croix (gibet sur lequel on croit faussement que Jésus fut crucifié) et délivrera le Mahdi, assiégé avec ses groupes musulmans, à Jérusalem, par le faux-messie qui sera également tué par Jésus. Ce qui est curieux dans la signalisation de Mahdi est sa teinte arabe ainsi que sa stature corporelle " israélite ". Il s'agit là, sans doute encore une fois, d'un caractère spécifiquement abrahamique, qui marque le monothéisme commun des Religions Révélées. Les Prophètes Isaac et Ismaël, fils d'Abraham, ne sont-ils pas frères? Les fils d'Isaac et de Jacob (appelés Israïl) (les Israélites) et les fils d'Ismaël (les Arabes) le sont inévitablement.

Il résulte de cet exposé, que Jésus, après son avènement en tant que Messie, décédera, quarante ans après cet avènement. Un hadith (rapporté par Mouslim, Tabarâny et Abou Dawoud), affirme que les funérailles de Jésus se feront à Médine et qu'il sera inhumé, près du Tombeau du Prophète Sidna Mohammed. Ce qui va à l'encontre du millénarisme, doctrine du millenium qui fait durer le règne du Christ, pendant un millier d'années.


L'ETHIQUE LEGALE ET LA VOIE

Q : La science des oeuvres cultuelles et légales ne devrait-elle pas être un prolongement des sciences éthiques ?

R : L'Islam cultuel et juridictionnel est, en même temps, un Islam éthique, dont le souci de transcendance civilisationnelle universelle anime la pensée agissante du croyant. Tirmidhy rapporte, dans ses Sonan, un hadith authentique qui dit: "Rechercher la connaissance, c'est agir dans le sens agréé par Dieu". Il s'agit, donc, de toutes les branches de la science, aussi bien canonique qu'idéalement humaine. Le grand Imam Chafiy, promoteur du rite qui porte son nom, a bien souligné que les sciences qui servent l'humanité, comme la médecine et ses corollaires, sont considérées comme sciences islamiques, en tant que connaissances éthico-légales. L'Islam tient en grande estime toutes les sciences appliquées d'intérêt pratique, les expériences positives, le doute créateur et la persévérance dans l'étude et la recherche.

Dans cet élan magnanime, le Musulman, bien engagé, ne saurait dévier des normes de la morale universelle, qui doit gérer le monde. Le vrai croyant, doté d'un humanisme, découlant péremptoirement des assises de son Credo, se doit d'avoir le souci constant de connaître, d'apprendre et de s'idéaliser, sans transcender outre-mesure; c'est là, le secret de l'équilibre culturo-éthique, équation harmonisante, éminemment initiatrice, dans le contexte bien conçu de l'Islam.